Ce que redoute Rabat

La colère et la déception qui règnent de l'autre côté de la frontière sont à la hauteur de l'échec diplomatique cuisant qui devrait, en principe, être confirmé la semaine prochaine au Conseil de sécurité même si les autorités marocaines ne désespèrent pas d’aiguillonner la «sagesse» (sic) des pays membres du groupe des amis du Sahara Occidental. Il faut dire que ce n'est pas tant la question de la surveillance des droits de l'Homme qui suscite l'ire de nos voisins, mais bien le fait politique essentiel que le Conseil de sécurité ait décidé de battre en brèche la fiction de la prétendue souveraineté marocaine sur les territoires sahraouis occupés en imposant un monitoring effectué par une partie tierce (chose inconcevable lorsqu'on exerce une réelle souveraineté et lorsqu'on évoque fièrement les performances des mécanismes nationaux). C'est donc un fait politique majeur auquel il faut ajouter un autre élément tout aussi crucial : si le Conseil de sécurité devait permettre à la Minurso de rendre compte régulièrement de la violence systématique opposée aux Sahraouis des territoires occupés, ces derniers n'hésiteront plus à dénoncer les exactions qu'ils subissent et les procès injustes qui leur sont faits et réclamer ouvertement leur droit de rassemblement et d'expression en affichant clairement leurs revendications indépendantistes. Il s'agit donc d'une vraie tectonique qui risque de bouleverser la situation sur le terrain et de faire bouger les lignes au niveau de la scène internationale. C’est ce qui est redouté à Rabat et c'est ce qui explique les réactions désordonnées et courroucées (et parfois violentes) à l'encontre de l'Algérie. Les écarts de langage, irresponsables et inadmissibles, comme le fait pour le secrétaire général du parti de l'Istiqlal de revendiquer crânement une partie du territoire algérien, sont démonstratifs de ce réflexe pavlovien qui consiste, mécaniquement, à mettre l'Algérie au box des accusés chaque fois que la cause sahraouie marque des points sur la scène internationale.
Pourtant avec un peu de sérénité et de perspicacité, il est aisé de relever que plusieurs données régionales et internationales ont évolué et que le fait accompli peut, certes, garantir à court terme la quiétude du statu quo mais que la solution définitive ne peut être que légitime en s'adossant à un référendum impartial à choix multiples. Après tout, si l'on s'époumone à répéter à la face du monde que les Sahraouis sont des «sujets marocains», pourquoi a-t-on si peur du référendum d’autodétermination ?
Un haut fonctionnaire algérien
 

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