Les musulmans victimes des attentats de Paris : femmes en hidjab harcelées, déplacements limités
Comme il fallait s’y attendre, les « représailles morales» contre les musulmans de France n’ont pas tardé à se manifester au grand jour. Occultés par la concentration des médias français sur les tueries de Charlie Hebdo et du supermarché réservé aux citoyens de confession juive à Vincennes, les dépassements à l’égard de la communauté musulmane de France se multiplient. Plusieurs témoignages parvenus à notre rédaction rapportent des faits qui prennent de plus en plus de l’ampleur. Ainsi en est-il de cette femme partie d’Algérie récemment pour s’installer avec son mari résident en France qui s’est enfermée chez elle depuis les attentats commis dans la capitale française. «Je sens des regards méprisants à mon endroit», se plaint cette Algérienne qui ajoute que ses voisins français la «toisent désormais» et ne lui adressent plus la parole. «Je pense sérieusement rentrer au pays, mais mon mari ne peut pas puisqu’il est né ici et travaille ici.» Des ressortissants algériens qui ont assisté à un hold-up à Lille le jour de la grande marche initiée par le pouvoir à Paris au lendemain des attentats racontent, de leur côté, comment ils ont été traités avec dédain par la police arrivée sur les lieux après la forfaiture. Interrogés, les témoins ont répondu à l’unisson qu’ils n’avaient pu identifier l’auteur du vol parce qu’il était encagoulé. Ce à quoi les policiers «ont rétorqué d’une façon hautaine», accusant presque les témoins de «complicité» avec le brigand. Par ailleurs, beaucoup d’Algériens qui envisageaient de se rendre dans ce pays ont décidé soit de reporter soit d’annuler carrément leur voyage. «Je n’ai pas envie de subir les foudres de la police des frontières une fois là-bas, déjà que les procédures de fouille sont drastiques et à la limite de l’avanie», explique cette Algérienne qui devait se rendre à Paris ces jours-ci, profitant, dit-elle, d’une promotion sur les billets d’avion. «Je comptais me rendre à Lille pour voir si mon dossier de régularisation a été réglé, mais j’hésite sérieusement. J’ai peur que l’administration française ne serre la vis davantage, sachant que les choses n’étaient déjà pas faciles avant les derniers événements qui ont secoué la France», raconte cet enseignant universitaire qui a décidé de s’établir en France, «car, insiste-t-il, je n’ai même pas eu droit à un logement décent dans mon pays». Conscients des conséquences du triple attentat de Paris qui a fait dix-sept morts en deux jours, sur la communauté musulmane de France, le président français et son Premier ministre ont multiplié les appels à l’adresse des Français pour qu’ils évitent les amalgames et l’esprit de vengeance. Mais le nombre d’actes antimusulmans commis en France dès le premier jour des actes terroristes présagent une intensification des actions violentes et des profanations dans les semaines à venir, d’autant que les extrémistes de tout bord affûtent leurs «armes» pour répondre aux agissements de terroristes dont les musulmans sont les premières victimes, si bien qu’ils ont été les premiers à dénoncer haut et fort pendant que l’Occident – France, Grande-Bretagne et Suisse en tête – fermait les yeux, croyant qu’ainsi il allait s’épargner ce phénomène «propre aux Arabes».
Karim Bouali