Le Quai d’Orsay ouvre sa chaîne au Polisario : la France lâche-t-elle Rabat ?
Jusque-là connus pour servir de courroie de transmission aux thèses coloniales marocaines et pour être acquis au Makhzen lorsqu’il y a des tensions entre l’Algérie et le Maroc, les médias français commencent à porter un intérêt de plus en plus marqué à la question sahraouie.
Cet intérêt s’est manifesté ces derniers jours à travers la couverture, par de nombreux journaux et chaînes de télévision hexagonaux des activités estivales d’enfants sahraouis se trouvant actuellement en région parisienne et à Nantes, à l’invitation de familles françaises et d’ONG humanitaires dans le cadre d’un programme baptisé «Des vacances en paix». Même la très pro-marocaine chaîne de télévision France24, connue pour obéir au doigt et à l’œil au Quai d’Orsay, a promené ses caméras dans les foyers français ayant accueilli ces petits Sahraouis venus en grand nombre des camps de réfugiés de Tindouf.
Vendredi 14 juillet, le Parisien et l’édition nantaise du journal Ouest France (plus grands tirages de la presse française) ont consacré de longs articles aux 150 bambins sahraouis auxquels des familles françaises ont fait découvrir leur région et à l’accueil «chaleureux» qui leur a été réservé. Le reporter de Ouest France a même passé du temps avec les jeunes invités sahraouis afin de relater les activités qui leur sont proposées. Des activités au cours desquelles, mentionne-t-on, le drapeau sahraoui était omniprésent.
Dans une déclaration au Parisien, Séverine Peter, adjointe de la responsable des relations internationales de la commune d’Ivry sur Seine, une localité qui a reçu plusieurs dizaines de Sahraouis, s’est engagée à mettre ses jeunes invités dans les meilleures conditions possibles et à «offrir le soutien humanitaire et politique nécessaire à la juste cause du Sahara Occidental».
A l’exception d’ONG qui se comptent sur les doigts d’une seule main mais qui sont néanmoins connues pour leur engagement en faveur des droits du peuple sahraoui, rares sont les responsables français ayant tenu jusque-là un discours aussi «engagé». Ce changement de tonalité peut peut-être renvoyer à un recentrage de la politique française vis-à-vis du conflit sahraoui. Un recentrage qui déboucherait sur un lâchage en règle du Makhzen, qui semble devenir au fil du temps un trop lourd fardeau à porter pour la France. Même s’il est encore trop tôt pour répondre clairement par l’affirmative, ces éléments pourraient expliquer, à tout le moins, l’intérêt porté par les médias français à la crise du Rif qui va bientôt boucler son dixième mois. La couverture sans concession des événements par France 24 a d’ailleurs provoqué une crise de nerfs à Mohammed VI, qui a dû faire l’impasse sur le 29e sommet de l’Union africaine où ses diplomates ont été humiliés par… la diplomatie sahraouie.
Sadek Sahraoui
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