Un Algérien libéré de prison en France après 27 ans d’injustice
Abdelhamid Hakkar, un des plus anciens détenus de France, a été libéré cette semaine de prison après vingt-sept ans d'incarcération pour le soi-disant meurtre d'un policier. M. Hakkar, dont la longue et complexe affaire a même fait avancer le droit français, a quitté la prison d'Ensisheim (Haut-Rhin) à l’âge de 56 ans. Vingt-huit ans passés dans une cellule pour un crime qu'il n'a pas commis. Grand soulagement pour ce prisonnier qui n’est pour l’instant qu’en permission, lui qui a passé la moitié de sa vie derrière les barreaux. Son incarcération a pris fin officiellement hier matin. Les autorités pénitentiaires de la maison d'arrêt de Besançon lui ont posé un bracelet électronique, a confié son frère. Abdelhamid Hakkar vivra au sein de sa famille à Besançon et travaillera dans une association de réinsertion de détenus. Cet enfant de Khenchela a été condamné à trois reprises à la perpétuité, accusé à tort d'avoir tué un policier le 30 août 1984 en prenant la fuite après un vol à main armée dans une bijouterie d'Avallon, dans l'Yonne. Depuis, le condamné n’a cessé de clamer son innocence. Après des années de luttes avec ses avocats, il avait obtenu de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) d'être rejugé, après un procès dont il avait été partiellement absent et pour lequel il avait récusé ses avocats commis d'office. Durant sa détention, il a été condamné à quatre reprises pour des tentatives d'évasion. Elles lui ont valu de passer douze ans à l'isolement et d'être transféré quarante-cinq fois. «Je me demande ce qu'on fait là, c'est totalement incongru, mais tout ce qui concerne Abdelhamid Hakkar sur le plan judiciaire est complètement hors norme», a commenté son avocate, Me Canu-Bernard. Pour mieux illustrer le «cas» Hakkar, puisque c’en est un, un retour sur l'historique de ce procès pas comme les autres s'impose. En 1989, après cinq ans de détention préventive et l'épuisement de 12 juges d'instruction, Hakkar passe à la barre. Le procès se déroule un 4 décembre sans la présence de son avocat, retenu par une autre affaire. Hakkar rejette les juristes commis d'office au motif qu'ils ne connaissent pas son dossier. Mais le tribunal refuse de reporter l'affaire. Hakkar choisit donc de ne pas comparaître. Il est ainsi condamné par la cour d'assises de l'Yonne à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d'une mesure de sûreté de 18 ans pour «meurtre, tentative de meurtre, vol avec port d'arme et vol avec violence». Sans son avocat et en son absence ! Hakkar se pourvoit en cassation, mais la juridiction suprême rejette sa demande le 5 décembre 1990 au motif qu'il est impératif d'assurer la continuité du fonctionnement de la justice. Comme si le report du procès avait perturbé le bon fonctionnement du tribunal. Hakkar reste ainsi en prison, dont la plus grande partie passée en isolement. Cela alors que le dernier des complices est relâché en 1992. En 2006, il demande avec d'autres détenus condamnés à la perpétuité, les «10 de Clairvaux», le rétablissement de la peine de mort, préférant «en finir une bonne fois pour toutes» plutôt que de «crever à petit feu». Ses nombreuses demandes d’être rejugé ont été toutes rejetées. Et ce n’est qu’en 2010 qu’il obtient un nouveau procès, sous la pression de la Cour européenne de justice. Aujourd’hui, il dit être marqué à jamais par cette affaire et il lui faudra beaucoup de temps et d’efforts pour réintégrer la société.
Sofiane B.
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