Nokia : l’avenir du groupe en question
L'action Nokia poursuit sa descente aux enfers ce matin… Après avoir chuté de 14,5% hier à Helsinki, le titre du leader mondial des téléphones mobiles recule encore de près de 7% ce matin en direction des 3 euros. Le sévère «profit warning» émis hier par le groupe a relancé de plus belle les spéculations sur l'avenir du finlandais, qui a indiqué que sa branche téléphones mobiles, sa «vache à lait» historique, était tombée pour la première fois dans le rouge au 1er trimestre, avec une perte opérationnelle de l'ordre de 3% du chiffre d'affaires. De plus, Nokia, qui a raté le virage des «smartphones», un marché dominé par Apple et Samsung, a précisé qu'il n'envisageait aucune amélioration au 2e trimestre.
Cette nouvelle déconvenue intervient après une perte nette de 1 milliard d'euros en 2011 pour le groupe, et fait douter de l'efficacité du plan de restructuration entamé depuis 18 mois par le directeur général Stephen Elop. Depuis son arrivée en septembre 2010, le dirigeant a annoncé plus de 10 000 suppressions d'emplois et le transfert de la production de l'Europe vers la Chine. Il a aussi tenté, sans succès, de vendre des parts dans Nokia Siemens, la société commune avec le groupe allemand dans les équipements de réseaux. Surtout, M. Elop, un transfuge de Microsoft, a décidé très vite d'abandonner le système d'exploitation maison, Symbian, pour le remplacer par Windows Phone System sur les nouveaux smartphones Lumia, dans lesquels Nokia place désormais tous ses espoirs de redressement.
De nombreux analystes estiment désormais qu'il faudra aller bien plus loin dans les restructurations… Certains envisagent une scission de Nokia, avec pour objectif principal de se concentrer sur les smartphones, le segment le plus rémunérateur, mais où le groupe a pris un retard considérable ces dernières années, à l'instar de Motorola, qui s'est scindé en deux en 2011 (téléphonie mobile et décodeurs d'un côté, solutions entreprises de l'autre) et dont l'ex-branche mobiles est en passe d'être acquise par Google, des analystes conseillent à Nokia de vendre ses téléphones mobiles à faible valeur ajoutée pour ne conserver que les smartphones.
Un autre grand acteur du secteur des mobiles, Sony Ericsson, s'est aussi restructuré récemment sous la pression de la concurrence : le groupe japonais a ainsi racheté la part du suédois Ericsson dans leur compagnie commune et l'entité, rebaptisée Sony Mobile Communications, est en train de sortir de la fabrication de téléphones mobiles bas de gamme pour ne plus produire que des smartphones.
Au premier trimestre, Nokia a vu ses ventes de téléphones mobiles classiques chuter au 1er trimestre à 71 millions d'unités contre 84,3 millions un an plus tôt, et leur chiffre d'affaires est tombé à 2,3 milliards d’euros contre 3,4 milliards, en raison d'une mévente en Inde, au Moyen-Orient, en Afrique et en Chine… Les ventes de smartphones ont elles aussi plongé, de 50%, à 1,7 milliard d’euros (12 millions d'unités), entraînées par la désaffection pour les anciens modèles fonctionnant sous Symbian.
«En Asie, Nokia fait face à une concurrence très sérieuse sur le segment des smartphones entrée de gamme et des features phones. Google mettant Android gratuitement à disposition des constructeurs, on assiste à l'émergence, en plus de celle de Huawei et de ZTE, d'une multitude de petits constructeurs chinois qui proposent des smartphones beaucoup moins chers», souligne Scott Bicheno de Strategy Analytics à Londres. «Si les terminaux Nokia sont plus solides et plus performants, les consommateurs préfèrent Android à Symbian», ajoute-t-il.
Seul rayon de soleil pour le groupe finlandais : le nouveau modèle Lumia, équipé de Windows Phone System, a connu un bon démarrage, avec 2 millions d'exemplaires vendus en trois mois, au prix moyen de 220 euros par unité.