Non à l’abstention !
L’Algérie, après avoir payé, davantage que d’autres pays, un très lourd tribut à sa résurgence sur la scène internationale, a reconquis petit à petit son indépendance dont le substrat essentiel repose sur la dignité de son peuple, et surtout sur le travail et le logement. Mais depuis près de cinquante ans, qu'en est-il de l'homme algérien ? Où en sont ses droits imprescriptibles, ses libertés individuelles et publiques, ses garanties démocratiques de citoyen, son indispensable et nécessaire bonne gouvernance, facteur essentiel de justice, de stabilité et de développement harmonieux du pays dans tous les domaines ?
Il est vrai que les pouvoirs successifs des décennies passées de l'Algérie ne s'étaient pas établis sur des rapports de droit entre l'Etat et le citoyen. Les législatives prochaines seront l’occasion de la dernière chance que tout le monde attend. En nous rendant tous aux urnes, nous nous donnerons le droit d’espérer voir le pouvoir s'instaurer après un débat démocratique entre le peuple et ses nouveaux dirigeants.
Au fil des années, l'Algérie s'essaye avec plus ou moins de bonheur à conquérir son droit à la démocratie. Nombreux et variés les obstacles qui en ont ralenti la concrétisation, car ils se rattachaient d'abord aux survivances de l'ère de la légitimité révolutionnaire justificatrice de tous nos déboires.
Par la suite, et durant ces dernières années, le terrorisme intégriste, déclarant hérétique toute tentative démocratique, avait lourdement contribué à ce blocage. Même les impitoyables mutations économiques et les contraintes d'un environnement international, circonvenu ou abusé par les interprètes à sens unique, ont brossé le tableau le plus odieux d'une Algérie, qui d'après eux s'enfonçait irrémédiablement dans l’abîme. Ces facteurs n'ont apparemment guère favorisé l'évolution vers la démocratie tant souhaitée. Mais aussi paradoxal qu'il puisse paraître, le pays au summum de la souffrance n'a jamais désespéré d'y parvenir.
Aussi, malgré les errements graves des régimes précédents, quelles que fussent les tares des scrutins antérieurs, on n'ose plus désormais afficher des résultats électoraux défiant la vraisemblance. Le pluralisme balbutiant et son corollaire la liberté d’opinion s’efforcent de s'imposer comme acquis indiscutables.
Les dernières élections, empreintes de critiques, se sont déroulées dans des irrégularités criantes et le transfert du flambeau d'un pouvoir à l’autre ne s’est pas effectué dans le calme et la sérénité, car méconnus par nos mœurs politiques antérieures.
Et l'on assiste, depuis quelques semaines déjà, à une campagne pour l’abstention sans précédent, nous incitant à une interrogation angoissée…
Que l'administration, par des procédés inavouables, pourrait être tentée de porter atteinte au scrutin et c'est tout l'acquis du pluralisme démocratique chèrement payé depuis 1988 qui s'effondre.
Que certains commis de l'Etat mettent les prérogatives de leur charge à la disposition d'une tendance partisane, et c'est la régression vers les années de plomb, la langue de bois et l'unanimisme tremblant des cinq dernières décennies de l'indépendance que l'Algérie actuelle récuse définitivement.
Aussi, les artisans d'une telle manœuvre se tromperaient lourdement d'époque. L'Algérie d’aujourd’hui n'est plus celle des années 60 et 70, 2000 et encore moins de 2010. L’Algérienne et l'Algérien qui ont su mettre en échec la plus grande entreprise d'asservissement de leur histoire, par leur sursaut salvateur où certains, étrangers à nos souffrances, ont cru voir sombrer l’Algérie, ne se laisseront plus priver du droit imprescriptible de choisir, hors de toute contrainte étatique et administrative ou manipulation des urnes, les hommes chargés de présider à leur destinée.
Sous les diverses bannières politiques et quels que soient les lieux de confrontation, la lutte des Algériens est une et indivisible dès lors que sont communes leurs aspirations à la liberté, au progrès, à la démocratie. Même si certains attardés ne perçoivent pas que le pays est à un tournant de son histoire. La seule réponse sera la passion qui devra animer chacun des citoyens à aller aux urnes pour participer au choix déterminant qui se posera lors du prochain scrutin législatif.
De ce scrutin dépendra l’avenir du pays à travers l’élaboration de sa loi fondamentale, la Constitution.
Tous les Algériens, hommes et femmes, patriotes et démocrates de tout bord, devront s’unir tant qu’il est encore temps pour construire, tous ensemble, une Algérie, certes authentique, mais aussi et surtout démocratique et citoyenne et barrer la route aux adeptes des temps rétrogrades.
Assez des multiples soubresauts de 1962 à ce jour et de leurs processions de morts, les générations montantes et à venir ne nous le pardonneront pas !
Mohamed Dziri
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