Obama peut-il donner des leçons de démocratie ?
Obama est un homme intelligent et sans doute des mieux informés. Il connait les véritables motifs du blocus mis en place par son pays contre Cuba depuis plus d’un demi-siècle : faire tout ce qui est possible pour que la révolution soit un échec, rendant la vie des citoyens toujours plus impossible de manière à ce que ces derniers en rapportent la responsabilité sur leurs dirigeants. Voici l’essentiel de ce plan, tel que décrit et soumis, le 6 avril 1960, au président Eisenhower, dans le mémorandum secret de l’adjoint du sous-secrétaire d’État d’alors, Lester Mallory : «La majorité des cubains appuient Castro (…) Il n’existe pas une opposition politique effective. (…) L’unique moyen possible pour lui faire perdre l’appui interne est de provoquer la désillusion et le mécontentement en provoquant l’insatisfaction économique (…) et la pénurie. (…) Il faut mettre rapidement en pratique tous les moyens possibles pour affaiblir la vie économique (…) refusant à Cuba argent et biens de toute nature de manière à réduire les salaires et l’emploi, provoquant ainsi la faim, le découragement et la chute du gouvernement.»
Voilà le genre de démocratie qui intéresse les Etats-Unis. C’était le cas, il y a plus de 50 ans et c’est toujours le cas aujourd’hui, non seulement à Cuba, depuis 52 ans, mais en Libye, il y a un peu plus d’une année, en Syrie présentement, en Irak, en 2003, en Afghanistan, depuis plus de 11 ans, au Venezuela qui vient tout juste de se remémorer les 10 ans du coup d’État visant l’élimination du président légitimement élu, Hugo Chavez, et qui continue d’être harcelé et menacé de mort, en Bolivie où les initiatives de sabotages et d’intimidation sont permanentes, en Équateur qui vient de se remettre d’une tentative de coup d’État, exécutée en 2010, au Honduras où on n’a pas hésité à sortir par la force, en juin 2009, le président légitimement élu, Manuel Zelaya. En somme, pour l’empire, tout pays affranchi et indépendant de son pouvoir est démocratiquement suspect et ses dirigeants, des dictateurs. Ces dessous des luttes contre ces peuples, M. Obama les connait mieux que quiconque. Il sait les mensonges qui les précèdent et les accompagnent pour mieux les faire accepter par l’opinion mondiale. Il en est même un des principaux acteurs. N’a-t-il pas réaffirmé cette fin de semaine, suite au Sommet des pays de l’OEA, que le blocus se justifiait toujours du fait que Cuba n’est pas démocratique, que son peuple ne peut pas s’exprimer, qu’il ne tolère aucune critique. Qui eût dit que celui qui tenait ces propos était celui-là même qui avait signé, il y a quelques mois, cette loi autorisant le président des Etats-Unis et son exécutif à arrêter et, même, à faire exécuter quiconque dans le monde et aux Etats-Unis qu’il jugerait être un terroriste ou un danger pour la société. Voici ce qu’en dit Paul Craig Robert :
«Les évènements connus sous le vocable d’attentats du 11 Septembre ont été utilisés pour hisser la branche exécutive du pouvoir au-dessus de la loi. Aussi loin que le président endosse un acte illégal, les employés de la branche exécutive ne sont plus redevables devant la loi qui prohibe cet acte illégal. Sur la simple autorité présidentielle, la branche du pouvoir exécutif peut violer les lois des Etats-Unis contre l’espionnage des citoyens américains sans mandat, ou de la détention infinie et de la torture et n’en souffrir aucune conséquence.»
Comment cet homme, Barak Obama, celui qui maintient une des pires prisons à Guantanamo, qui autorise la torture, qui se place au-dessus de toutes les lois, peut-il faire la leçon à Cuba et aux 31 pays de l’Amérique latine et des Caraïbes ? De quel droit ce pays se permet-il de décider ce qui est démocratie et respect des droits humains alors que ses principaux alliés, en Amérique latine, ont été bien souvent des dictateurs des plus sanguinaires et qu’au Moyen-Orient ses grands amis sont les Émirats arabes qui n’ont aucune notion de la démocratie et des droits humains comme nous les entendons ? Comment peut-il passer outre aux condamnations répétitives de l’Assemblée générale des Nations unies contre ce blocus, considéré comme criminel et allant à l’encontre du droit international ? Le président de la Colombie, un allié indéfectible de Washington, a lui-même déclaré lors du Sommet de Cartagena, que cette approche du blocus économique n’avait plus aucun sens, que c’était un vieil héritage de la Guerre froide et, qui plus est, n’avait donné aucun résultat. Il s’est même permis de dire qu’un autre Sommet sans la présence de Cuba serait impensable.
En dépit de tout cela, Obama répète la même chanson sans se soucier si ce qu’il dit correspond toujours à la réalité. L’important, pour lui, c’est que le monde entende toujours la même cassette comme si ce dernier, le monde que nous sommes, ne pouvait voir au-delà des clichés et des mensonges à répétition.
Je ne doute pas que les larmes de joie versées par le pasteur Jesse Jackson lors de l’assermentation du président Obama, en 2009, se soient transformées en larmes de grande tristesse. Le «WE CAN » de la campagne de 2008 s’est transformé en une véritable coquille vide. Autant il avait fait naitre une grande espérance, autant il est devenu une grande déception. Obama a choisi son camp, celui des puissances industrielles, financières et économiques. Les ambitions du pouvoir l’auront arraché au peuple et à ses attentes.
Oscar Fortin
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