Un religieux français témoigne : «Ce que j’ai vu en Syrie»
«La paix en Syrie pourrait être sauvée si chacun disait la vérité. De retour à Damas en ce mois de mai 2012, il me faut bien constater qu’après une année de conflit, la réalité du terrain ne cesse de s’éloigner du tableau catastrophiste qu’ imposent les mensonges et la désinformation occidentale.
«La paix en Syrie pourrait être sauvée si chacun disait la vérité. De retour à Damas en ce mois de mai 2012, il me faut bien constater qu’après une année de conflit, la réalité du terrain ne cesse de s’éloigner du tableau catastrophiste qu’ imposent les mensonges et la désinformation occidentale.
Le mois de février a marqué un coup d’arrêt aux provocations des islamistes radicaux. Les troubles, en majorité circonscrits à Hamma et à Homs, auraient d’ailleurs été plus vite résorbés si la pression internationale n’avait freiné l’intervention de l’armée. Les zones frontalières de la Turquie, de la Jordanie et du Liban – par lesquelles s’infiltrent les mercenaires – restent encore sensibles. Dans la capitale, ce que l’on appréhende le plus sont les voitures piégées et les attentats à la bombe, la plupart du temps, le fait de kamikazes alléchés par l’appât du gain, le désir du paradis d’Allah, ou bercés du rêve sunnite de la fin des Alaouites au terme de 40 ans de règne et l’avènement de Jésus au haut du minaret, accompagné du dernier prophète Al-Mahdi pour le Jugement dernier.
Il faut dire et redire que l’idéologie fanatique est d’importation étrangère et que la Syrie n’a jamais été confrontée à un cycle de manifestations/répression, mais à une déstabilisation sanguinaire et systématique par des aventuriers qui ne sont pas syriens. Cette information, qui va à l’encontre des journaux et des reportages télévisés, l’ex-ambassadeur de France, Éric Chevallier, n’avait eu de cesse de la faire entendre à Monsieur Juppé ; mais le ministre français refusa toujours de tenir compte de ses rapports et falsifiait sans vergogne ses analyses pour alimenter la guerre contre la Syrie.
Nos lecteurs ont encore en mémoire l’invitation du Patriarche maronite à Paris, Sa Béatitude Bechara Raï, par Nicolas Sarkozy qui, s’étant renseigné sur le nombre des chrétiens au Liban et en Syrie, lui proposa de les installer en Europe. La réponse indignée et courageuse du haut prélat qui prit la défense de Bachar Al-Assad – et qui devait, selon le protocole, être décoré de la légion d’honneur – lui valut d’en recevoir l’écrin de la main sèchement tendue de l’ex-président français.
Arrivée à Damas
L’on respire à Damas un autre air qu’on voudrait nous le faire croire partout ailleurs.
Certes, depuis quatre mois, dans la banlieue, les voitures piégées ont fait de sanglants dégâts ; plusieurs fanatiques suicidaires se sont fait exploser dans la foule d’innocentes victimes. L’on entend parfois, la nuit, des échanges de coups de feu, c’est l’armée qui veille à la protection des habitants et parvient souvent à empêcher les attentats meurtriers.
Ces jours-ci, deux minibus bourrés de TNT ont explosé simultanément selon un schéma terroriste désormais classique. Toujours disposée à proximité d’une cible d’intérêt stratégique, la première charge est destinée à semer la panique et à attirer le plus grand nombre d’intervenants pour déclencher la seconde explosion. Cette fois-ci, c’était le quartier général du contre-espionnage syrien, où avaient été détenus les étrangers pris les armes à la main et que les salafistes projetaient de faire évader. Leur tentative échoua mais se solda par un bilan terrible : 130 morts (dont 34 chrétiens), 400 blessés et autant de logements endommagés.
La consternation est générale, le chagrin indescriptible et les nombreuses funérailles déchirantes. Pourtant, en ce mois de Marie, les églises abondamment fleuries se remplissent chaque soir et j’ai vu les mosquées bondées le vendredi à midi ; la concentration de la prière aux Omeyyades évoquait pour moi celle des coptes en Égypte ; tandis que les espaces verts sont régulièrement envahis par des familles heureuses de se retrouver pour des pique-niques qui se prolongent tard dans la nuit. Le peuple syrien est un peuple simple et enjoué. Malgré l’insécurité et les dramatiques difficultés économiques engendrées par les sanctions internationales (l’inflation de la livre syrienne, l’anéantissement total du tourisme, la croissance du chômage et la cherté grandissante des denrées de base), la vie continue normalement.»
Mgr Philippe Tournyol du Clos,
Archimandrite grec-catholique melkite
Damas, le 20 mai 2012
Suite sur : http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=31072
Comment (3)