Le semeur de mort
Là où il passe, il répand l’horreur, fait couler le sang, prolonge les crises, déchire les pays, manipule les populations, écrase l’éthique et l’honneur. Lui, c’est l’agent des services secrets américains déguisé en ambassadeur, Robert Ford. Après avoir mené sa mission à terme à Alger, où son bureau a servi durant la décennie noire de salle de réunions clandestines pour le bras politique des groupes islamistes armés, le FIS, lui apportant aide et soutien, et lui prodiguant ses conseils éclairés en sa qualité de spécialiste ès guerre civile, ses chefs militaires du Département d’Etat l’ont désigné en Irak, où il laisse une forte odeur de mort derrière lui. Sa mission terminée, il s’en va en Syrie, financer, barder et former une armée parallèle pour faire tourner son compteur macabre. Robert Ford est un véritable drone terrestre téléguidé au milieu des foules ; une bombe humaine qui fait exploser les pays en faisant actionner le détonateur par leurs propres habitants. En Irak comme en Algérie, c’est sous la fausse fonction de conseiller aux affaires politiques à l’ambassade américaine que cet espion aux allures de gentleman se présentait pour agir en toute liberté, le titre d’ambassadeur qu’il acquerra plus tard en Algérie limitant son champ d’action subversive. Depuis, le pseudo-printemps arabe aidant, c’est à visage découvert que l’Américain arabisant mène sa guerre contre le régime syrien – non qu’il soit totalitaire, mais parce qu’il agace Israël. Robert Ford vient, en effet, d’appeler ouvertement sur sa page Facebook les militaires syriens à rallier l’opposition armée, faute de quoi ils seraient passibles des pires sanctions. Voilà donc un plénipotentiaire qui a le mérite de révéler sa véritable mission. «Les seuls espions avoués sont les ambassadeurs», disait le militaire italien Giovanni Giacomo Casanova, devenu lui aussi «diplomate».
M. Aït Amara