L’Algérie et le Maroc se livrent une guerre sournoise en France
La Grande Mosquée de Paris, dirigée par l’Algérien Dalil Boubakeur, a claqué mercredi la porte du Conseil du culte musulman, instance représentative de l’islam auprès des autorités françaises et dominée par la communauté marocaine. La décision est motivée par la gouvernance qualifiée d’autocratique du conseil. Selon Dalil Boubakeur, recteur de la Grande Mosquée de Paris, en plus de cette «gouvernance autocratique», il y a de «graves dysfonctionnements» au sein du CFCM. Ce sont, là, les principales raisons qui ont «contraint», affirme-t-il, la Mosquée de Paris à prendre cette décision. Dalil Boubakeur, qui fut le premier président du CFCM et en est aujourd'hui le président d'honneur, a annoncé le retrait des deux représentants de la Mosquée qu’il dirige au bureau exécutif de cette instance qui compte quinze membres. Mais il n'a pas précisé si lui-même était concerné par cette mesure. Cette fronde de la Grande Mosquée survient deux semaines après l'annonce par le conseil d'administration du CFCM d'une modification des statuts de l'organisation, officiellement pour y associer «l'ensemble des composantes de l'islam de France». Chose qui ne semble pas plaire à la Mosquée de Paris, la plus importante de France. Dalil Boubakeur a même accusé le CFCM d'avoir «tenté de minorer la surface et l'influence de la Grande Mosquée de Paris». Le CFCM, créé en 2003 sous l'égide de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, regroupe des associations musulmanes de différentes sensibilités, plus ou moins proches des pays d'origine de leurs fondateurs, et qui se disputent l'influence des quelque deux à trois millions de pratiquants. Il est actuellement présidé par Mohammed Moussaoui, vice-président du Rassemblement des musulmans de France (RMF, proche du Maroc). Au printemps 2011, les associations regroupées autour de la Mosquée de Paris avaient boycotté les élections pour le renouvellement des instances régionales et nationales du CFCM. L'Union des organisations islamiques de France (UOIF), proche des Frères musulmans, l’avait fait également. Les instances du CFCM sont élues par une assemblée générale émanant des associations locales, dont le nombre de représentants dépend notamment de la surface du lieu de culte, un mode de désignation critiqué par tous et que la réforme des statuts vise notamment à modifier. Mais cette réforme ne semble pas plaire à tout le monde. Au contraire. Elle exacerbe les différends entre les diverses associations. Les luttes claniques et ethniques qui déchirent la communauté musulmane ne datent pas d’aujourd’hui. Elles ont toujours existé, au point que le gouvernement français a du mal à trouver des interlocuteurs représentatifs et fiables pour coordonner les actions visant à mieux organiser les lieux de culte musulman. Conscients des dissensions et des luttes de chapelle qui minent la communauté, le nouveau ministre français de l’Intérieur, Manuel Valls, a appelé vendredi dernier les musulmans à se rassembler et à cesser les luttes intestines à connotation idéologique qui n’ont rien à voir avec la religion. Il a invité, dans ce sens, les musulmans de différentes origines à la mise en place d'un «dialogue serein» entre responsables du culte musulman et pouvoirs publics, considérant que les «divisions» de la communauté musulmane de France ne rendent nullement service à cette religion «faite de tolérance et d’entraide». Un appel qui ne semble pas avoir été entendu.
Sonia B.
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