Ils nous l’ont dit avant vous
En octobre 88, pendant que des jeunes révoltés étaient descendus dans la rue, rasant tout sur leur passage pour crier leur dégoût du parti unique et de la langue de bois moisi, la Télévision nationale – unique au sens propre comme au figuré – diffusait des dessins animés, tandis que la Radio tout aussi nationale nous divertissait en rires et chansons. Pour comprendre le brouhaha qui avait, d’un coup, brisé un silence long de deux décennies et demi, et qui se déroulait sous nos fenêtres, il avait fallu tourner le bouton de nos transistors jusqu’à tomber sur la chaîne franco-marocaine Médi1 qui nous apprenait, à plus de 1 500 kilomètres de chez nous et d’une voix chahutée par les fritures, qu’une révolution était en cours et que l’Algérie tout entière venait de se soulever contre le pouvoir en place, réclamant une ouverture démocratique et, du même coup, la tête des caciques du régime. Vingt-cinq autres années se sont écoulées depuis ces événements et cette absurdité est toujours là, à nous narguer : c’est par le truchement d’une source mauritanienne que nous apprendrons la libération de trois de nos concitoyens enlevés au Mali. Une information que le ministre algérien des Affaires étrangères n’aura pu garder secrète plus longtemps pour des raisons qu’il ne nous expliquera de toute façon jamais. La question qui se pose, maintenant, ce n’est pas tant de savoir si les quatre autres otages sont réellement toujours entre les mains de leurs ravisseurs ou s’ils ont eux aussi été libérés, puisque c’est auprès de sources étrangères que nous l’apprendrons, mais à qui Medelci s’adressait en faisant cette annonce, sachant qu’il a attendu la venue du ministre français des Affaires étrangères à Alger pour confirmer l’information. Maladresse ? Coïncidence ? Coup calculé ? Mépris envers les citoyens algériens ? Qu’importe. Nous savons au moins une chose, néanmoins : pour connaître ce qui se passe sous nos fenêtres, nous devrons faire glisser le pointeur de la souris sur des sites étrangers informés comme nous avions tourné le bouton du transistor sur la bonne station, il y a un quart de siècle. L’outil a évolué. Pas la mentalité.
M. Aït Amara
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