Dalil Boubakeur : «Pas d’islam de France sans la Mosquée de Paris»
Dans un entretien accordé au journal «oumma.com», le recteur de la Mosquée de Paris revient sur l’épisode du retrait du Conseil français du culte musulman (CFCM) et de sa démission, lui aussi, de son poste de président d’honneur de cette institution dominée par les Marocains. Il considère que le CFCM n’est pas représentatif de l’islam de France à cause des critères requis pour sa formation. Ces critères sont, à ses yeux, de nature à attiser les divisions, déjà fort nombreuses, de la communauté musulmane de France. «Nous savions que les critères requis pour la formation du CFCM allaient susciter à terme des divergences, des séparations ou, pire encore, des oppositions de nature ethnique, nationale, voire de compétition religieuse, ce qui est absolument contraire à la vision d'un culte apaisé et représenté en France. Le critère du mètre carré pour les lieux de culte, comme étalon de l'importance de la représentation, nous a été dès le début extrêmement préjudiciable. Lorsque nous avions 4 ou 5 représentants dans les conseils d’administration, les autres en avaient 25», souligne-t-il. Il explique aussi sa démission par l’absence de débats et de convergences de vue. Il insiste sur le fait que le critère du mètre carré fausse tout, au point que même les autorités reconnaissent qu'il y a, là, une vraie discordance». «Nous sommes las de la mise à l’écart de nos délégués sur certains sujets, nous aurions souhaité travailler en concertation, car la Mosquée de Paris a une longue expérience de l'islam de France, notre présence est symbolique et historique. On ne peut pas parler de culte musulman en France en excluant la Mosquée de Paris», clame-t-il. Dalil Boubakeur précise que la Mosquée de Paris allait se retirer dès la création du CFCM. «La volonté de M. Sarkozy a été de me désigner, malgré la minorité que je représentais, président du CFCM. Me rendant compte de cette discordance, j'ai voulu démissionner, mais le ministre de l'Intérieur a refusé. Nous nous sommes retirés une première fois en 2008. Cependant, M. Guéant a insisté pour que nous revenions, nous assurant alors qu'il veillerait lui-même à une réforme susceptible de répondre à nos exigences», précise-t-il, tout en exprimant le profond malaise ressenti à l’intérieur de cette organisation censée fédérer les musulmans de France. Pour y retourner, il exige une restructuration et une réforme du mode de la représentation au sein de ce conseil. «Jusqu'à un nouvel accord, une nouvelle structuration, je suis et reste recteur de la Mosquée de Paris, ce qui est en soi une lourde charge», relève-t-il. Mais tant qu'il n'y aura pas de nouveaux engagements, il n’est pas question pour lui d’y retourner. «C’est un retrait total», affirme-t-il. Pour lui, le CFCM ne continuera à exister que grâce à la participation des fidèles et des mosquées. «L'UOIF (Union des organisations islamiques de France), le RMF (Rassemblement des musulmans de France), la Mosquée de Paris, les Turcs, les Tablighs (mouvement religieux littéraliste), les Africains, toutes ces fédérations doivent trouver un terrain d’entente et parvenir à un équilibre», plaide-t-il, en tendant la main à toutes les organisations représentant et défendant les musulmans de France. «Je me rapproche de ceux qui travaillent. Le fait que l'UOIF ait été la première composante à quitter le CFCM, à exprimer son désaccord, pour d'autres raisons que les nôtres, nous rapproche indéniablement», dit-il, tout en précisant n’avoir pas «le même vécu de l'islam que l'UOIF, puisque l'Algérie n'a pas tout à fait les mêmes traditions, ni les mêmes visions de l'islam telles que celles qui prévalent en Orient et en Arabie».
Sonia B.