Khaled Nezzar : «La violence a commencé bien avant janvier 1992»
Dans la septième partie des entretiens télévisés diffusés par Ennahar TV, le général-major Khaled Nezzar s’est attelé à démonter des idées reçues, particulièrement sur l’armée, qui avaient fini par prendre les apparences de la vérité. Durant des années, la rumeur puis les sites de désinformation visant à déstabiliser l’Algérie ont participé à déformer l’image de notre pays à travers le discrédit de ses institutions, notamment l’institution militaire. C’est carrément le mensonge qui a longtemps été utilisé pour tromper l’opinion publique en misant sur la crédulité des gens. Dans le premier exercice du genre, à notre connaissance, le général Nezzar apporte des précisions utiles et parfois des démentis cinglants sur des questions sensibles et sur des événements d’une importance capitale pour notre pays.
«Il n’y a jamais eu de plan au sein de la hiérarchie de l’armée pour l’arrêt du processus électoral», affirme le général Nezzar. A propos de la réunion des chefs de l’ANP à Aïn Naâdja du 28/12/91, après les élections de 27 décembre 91, il y avait les chefs de région, les commandants des forces, les chefs de division et les directeurs du ministère de la Défense concernés par la logistique et le soutien, au total 40 personnes. La réunion était motivée par la nécessité d’appeler à la vigilance dans le contexte marqué par des violences qui entouraient les opérations électorales. J’ai dit : «On ne vous entraînera pas dans une aventure, tout se passera dans le cadre de la Constitution.»
L’armée n’a rien à voir avec la dissolution de l’APN. La dissolution est venue de l’APN elle-même. Un amalgame est entretenu avec la date de signature par le Président du texte réglementaire portant dissolution de l’APN qui lui a été remis, en retard, par Abdelaziz Khelef, secrétaire général de la présidence à l’époque.
Le chef du gouvernement et tous les membres du gouvernement ont assisté le 4 janvier 1992 à la cérémonie qui marquait la fin non pas de la session de l’APN mais du mandat législatif et c’est Belkhadem qui a présidé la cérémonie.
Une commission a étudié les aspects juridiques pour ne pas sortir de la légalité, face à la vacance du pouvoir ; tous les membres consultés, y compris la Cour suprême, ont participé à la discussion. Le président du Conseil constitutionnel a dit que c’est à l’armée de diriger.
La violence a commencé depuis les élections communales qui ont été remportées par le FIS et on n’en est pas sorti après. Les mosquées sont devenues des lieux de subversion. Quand le FIS a emporté les communes, tous les moyens destinés au plan Orsec ont été transférés aux mosquées et le FIS a commencé à les distribuer à la population comme dons pour que les gens votent pour lui. Il n’y avait plus d’Etat, chacun écrivait «baladya islamya» au fronton de sa commune. Les actions de violence ont commencé : assassinats, agressions, ainsi que les violences verbales et les démonstrations de forces avec les défilés dans la rue en tenues afghanes et en formation de commandos.
En fait, ça avait commencé déjà en 1982 avec l’affaire Bouyali. Les éléments du groupe Bouyali ont été libérés par Chadli. Ils se sont intégrés au FIS, à l’exemple de Miliani, Chebouti (qui s’est fait appeler «général») aux côtés de ceux qui sont revenus d’Afghanistan et qui ont commencé à pratiquer la violence.
On a constaté d’abord les provocations sous toutes leurs formes et l’intolérance (la yadjouz). A ce propos, le général Nezzar cite des scènes dont il a été lui-même témoin : «Je les ai vus à la mosquée où j’allais, importunant les fidèles par leurs remarques ; ils étaient les premiers à sortir pour faire la collecte d’argent dans des sachets ; ils ont imposé le changement d’imam pour ramener leur imam qui faisait des prêches politiques ; comme beaucoup d’autres fidèles, j’ai évité, par la suite, d’aller à la mosquée et je faisais ma prière à la maison.»
«On en est arrivé, rappelle-t-il, à entendre des appels au djihad, il n’y a qu’à réécouter les cassettes de l’époque ; ils menaçaient en public des gens de les égorger devant leurs femmes. Ali Benhadj disait : pourquoi Khaled Nezzar prend-il un klach et moi je ne prends pas un klach ? En faisant ce parallèle, Ali Benhadj a montré qu’il ne savait pas ce qu’est l’Etat.
La violence a commencé bien avant Guemar, ça a commencé au château Holden attaqués par deux officiers formés à Koléa, l’attaque du tribunal de Blida, l’affaire d’Ouargla, l’affaire de l’Amirauté (où 8 éléments ont été égorgés dans leur vedette, une action perpétrée par des militaires), l’affaire Guemar (attaque d’une caserne, plus de 100 armes dérobées, sept cadavres de jeunes du service national qui étaient dans les GGF mutilés). »
Il y a eu l’appel du FIS à la désobéissance civile (déjà en 1990) qui détaillait la démarche et les formes à suivre, jusqu’à la grève de 15 jours (en 1991) où il y a plus de 10 morts. Le dernier jour de la grève, la voiture du général Nezzar a été mitraillée. Le soir, le capitaine qui dirigeait la gendarmerie à la place du 1er-Mai été tué par un coup porté à la tête à l’aide d’une boule de pétanque. Un des points de l’appel du FIS : si les responsables du FIS sont enlevés, il faudra en faire de même avec les personnalités importantes ; «dans l’appel du FIS, on était désigné sous le terme d’ennemis», fait remarquer le général Nezzar. Les gens du FIS étaient encouragés à rejoindre les maquis où tout était prêt (casemates…).
Il y a eu également la recommandation en 22 points signée par Abassi Madani et Ali Belhadj, qui était un véritable ordre de combat, dans le jargon militaire.
«Nous avions proposé au FIS de le nettoyer des gens violents (Takfir oual hidjra et autres).»
Ramdane Ouahdi
Comment (5)