Trop malins ou trop naïfs ?
La cartographie des violentes manifestations anti-américaines provoquées par le film anti-islam est significative de la nature des relations conflictuelles que les Etats-Unis entretiennent avec les pays musulmans. Réagissant à la mort de l’ambassadeur en Libye, tué dans l’attaque du consulat des Etats-Unis à Benghazi, la secrétaire d'Etat Hillary Clinton s’est écriée : «Comment cela a-t-il pu se produire dans un pays que nous avons aidé à libérer, dans une ville que nous avons aidé à sauver ?» Les propos de Mme Clinton, dont la sincérité, ici, ne fait pas de doute, révèlent un désarroi réel. L’Egypte, où les Etats-Unis ont œuvré à amener les Frères musulmans au pouvoir, confirme ce constat. Ce pays a connu quatre journées de violences liées à la vidéo anti-islam, faisant au moins un mort et des dizaines de blessés. Au Caire, les islamistes ont arraché la bannière étoilée de l’ambassade américaine pour la remplacer par le drapeau noir, symbole du califat. A Tunis où des islamistes «acceptables» par les Américains sont au pouvoir, l'ambassade des Etats-Unis a été prise d’assaut, le drapeau des salafistes a été hissé et des bâtiments de l'école américaine incendiés. Dans ces trois pays, les Etats-Unis se sont alliés avec leurs anciens ennemis pour faire tomber des «régimes dictatoriaux» et finalement contribuer à installer le chaos islamiste qui s’est retourné contre eux. Dans le cas des pays que les Etats-Unis ont envahis et occupés puis qu’ils ont quitté précipitamment (Irak) ou s’apprêtent à le faire (Afghanistan), l’hostilité aux Américains n’a pas attendu le film anti-islam, pour s’exprimer. Idem au Yémen où Al-Qaïda est fortement présente. Au Pakistan, la colère anti-américaine est amplifiée par le contentieux lié à l’exécution dans ce pays d’Oussama Ben Laden. Plus largement, le film anti-islam a soulevé une vague de protestation violente – d’inspiration salafiste évidente – qui prend des dimensions insoupçonnées quand on apprend que les manifestations anti-américaines se sont déroulées non seulement dans des villes musulmanes comme Amman et Khartoum mais aussi à Sydney en Australie. Sur les plateaux télé, les analystes se succèdent pour expliquer ce phénomène sans arriver à convaincre. Les Etats-Unis se sont-ils crû trop malins ou ont-ils été trop naïfs dans cette aventure ?
Lazhar Houari
Comment (2)
Les commentaires sont fermés.