On ne vous aime pas non plus
Les Algériens auraient eu les cheveux hérissés s’ils avaient regardé ce reportage diffusé par la chaîne privée tunisienne Nessma. Cette télévision, dont le caractère maghrébin se limite à la manne publicitaire qu'elle engrange, s’est encore une fois placée du côté de la bourgeoisie tunisienne qu’elle représente, au demeurant. Le reportage fait état du recul du tourisme au pays des jasmins depuis la révolution. Néanmois, expliquent les patrons des grands complexes touristiques bâtis sous Ben Ali, ce n’est pas la révolution qui pose problème, mais la qualité des touristes que la Tunisie accueille chaque été. Ces Tunisiens caméléons, qui ont composé avec la dictature politique hier et qui n’éprouvent aucune gêne à s’acoquiner avec les islamistes aujourd’hui, pour peu que la religion se tienne en retrait des plages et des bars, affirment que si les clients de luxe – c’est-à-dire les Européens – boudent la Tunisie, c’est parce qu’ils refusent de côtoyer les «mauvais touristes» que sont les Algériens. Certes, ces tours opérateurs et directeurs d’hôtels ne nous citent pas nommément, mais quand on sait qu’un million d’Algériens se ruent vers les plages de ce pays voisin chaque année, on comprend aisément dans quelle direction est pointé l’index. En vérité, ce qui dérange ces gros bonnets du tourisme, opportunistes par excellence, c’est le fait que les Algériens – cela ils n'ont pas le courage de le dire – ne louent chez eux que la chambre et préfèrent passer leurs vacances au plus près des Tunisiens modestes, faire leurs courses dans les petites échoppes, manger dans les restaurants populaires et acheter un bouquet de jasmins pour un dinar symbolique chez les petits Tunisiens pauvres qui aident leurs familles à se nourrir. Cependant que les Européens, une fois sur le sol tunisien, se barricadent dans leurs bunkers cinq étoiles et n’en sortent plus jusqu’au jour de leur retour, non sans avoir, auparavant, débité un chapelet d’insultes à l’encontre de leurs hôtes «malpropres et peu professionnels» (voir les commentaires dans les sites spécialisés). N’en déplaise à ces esclaves de l’argent qui s’inclinent jusqu’au sol en signe de soumission et de servilité, les Algériens continueront de se rendre en Tunisie et d’acheter du jasmin chez ces bouts de choux qui souffrent pour survivre mais jamais ne s’agenouillent.
M. Aït Amara
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