Eric Savares : «Les pieds-noirs n’ont pas créé l’Algérie»
Les guerres mémorielles autour de l’Algérie coloniale ont donné lieu à «des manipulations tendancieuses du récit historique en France», a indiqué le chercheur français Eric Savarese lors d’une conférence donnée dans le cadre d’un colloque international qui se tient à Oran. «Cela fait partie des nouvelles politiques de la mémoire où des élus essaient de faire modifier le champ politique à leur profit», a affirmé Savarese. Les mobilisations politiques, a-t-il observé, cherchent à transformer des groupes d’individus épars (anciens rapatriés) en un groupe homogène, produisant un discours d’homogénéisation attestant que, finalement, «les pieds-noirs auraient, aujourd’hui, une existence entamée depuis le début de la colonisation». Le conférencier a déploré, dans ce contexte, cette liberté prise avec le récit historique dans le but de faire accroire que «les pieds-noirs seraient un peuple de pionniers bâtisseurs qui auraient créé l’Algérie». Il a estimé, à cet égard, que «les Français d’Algérie ne reflètent pas la réalité sociologique de l’Algérie», sachant, a-t-il rappelé, que «80 % d’entre eux n’étaient pas des paysans puisqu’ils vivaient plutôt dans les grandes villes». Ce professeur de sciences politiques à l’université de Nice a déploré, en outre, d’autres initiatives prises en France, qui relèvent d’un processus qu’il a qualifié d’«amnésie libératrice», en évoquant notamment «la promulgation de la loi du 23 février 2005 indemnisant les anciens activistes de l’OAS» et «la construction de monuments glorifiant la colonisation». Il a jugé, toutefois, que ces nouvelles politiques de la mémoire constituent des indicateurs de la plupart des transformations des rapports de force au sein de la droite républicaine, relevant à ce titre que la loi du 23 février 2005 a été votée par 14 députés, essentiellement issus du sud de la France où les rapatriés sont implantés et qui essaient de «subvertir» les règles du champ politique à leur profit. «L’histoire coloniale ne peut s’écrire indépendamment des interactions entre les individus, on ne peut faire comme si une population n’existait pas et que l’autre avait tout créé», a encore indiqué Eric Savares.
Lina S./Agence
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