L’aveu d’Ould Kablia
Personne ne conteste l’aspect illégal et interdit du marché parallèle de change, mais personne aussi n’ose s’y attaquer. C’est une pratique qui encourage la fuite des capitaux et l’évasion fiscale, aux dires des plus hautes autorités monétaires du pays, et elle est tolérée. Elle se déroule au square Port-Saïd, directement dans la rue, ou au marché Rédha-Houhou, dans une échoppe à l’enseigne trompeuse, pour ne citer que ces endroits. Tout juste faut-il souligner que ces lieux emblématiques du change de devises illégal se trouvent dans la capitale, au vu et au su de tous, et pas dans un bourg perdu, à l’abri du regard des agents de l’Etat. On peut avoir toutes les difficultés du monde à acheter du pain le lendemain de l’Aïd mais il n’y a rien de plus facile, y compris ce jour-là, que d’acquérir autant de devises que l’on veut. Pourtant, dans la législation en vigueur, seuls les banques commerciales et les bureaux de change sont autorisés à vendre et à acheter la monnaie nationale. C’est incidemment que cette anomalie a été mise en lumière par les médias à la suite d’un commentaire du ministre de l’Intérieur qui trouvait que le change parallèle répondait à un besoin réel et que les citoyens y trouvaient leur compte. «Ce n’est pas avec les 130 euros de change officiel qu’ils peuvent voyager, se soigner, acheter des médicaments, accomplir leur devoir religieux», explique le ministre dans un entretien accordé à un confrère, publié aujourd’hui. Ceux qui pensaient que, dans le prolongement des actions contre l’informel, la vente illégale de devises allait être éradiquée, ont compris qu’«il est difficile d’y toucher pour le moment», pour reprendre les paroles de Dahou Ould Kablia. La solution légale existe, il suffit de l’appliquer. La Banque d’Algérie accorde depuis 1997 des autorisations pour la création de bureaux de change, il n’y a rien à inventer. Le gouverneur de cette institution financière a annoncé des mesures incitatives au profit des bureaux de change. Il a également laissé entrevoir une modification du régime de change pour les particuliers afin de les amener à recourir aux banques pour l’acquisition de devises. Dans ces conditions, le combat contre le marché informel de la devise pourra être mené avec succès, pour peu que la volonté politique existe.
Cherif Brahmi