Ghozali : «L’Algérie vit grâce à une richesse qu’elle n’a pas produite»
Ancien chef du gouvernement et, aujourd’hui, visiblement en retrait de l’activité politique, Sid-Ahmed Ghozali est très critique à l’égard du système qui dirige l’Algérie et dont il a été pourtant, longtemps, un élément de premier rang. Il est pessimiste quant à l’avenir du pays. Dans une interview accordée au quotidien français L’Humanité, il constate que l’Algérie reste un pays sous-développé faute d’avoir réussi à diversifier son économie et en dépit des potentialités qu’elle recèle. Il souligne qu’au contraire, la part du pétrole dans le PIB augmente. Survolant trente années de passage au libéralisme, il trouve le bilan «très négatif». En fait, précise-t-il, le pays est passé à ce qu’il appelle «un libéralisme honteux». Résultat : le système est resté incohérent. «Nous vivons, dit-il, grâce à une richesse que nous n’avons pas produite. Nous ne faisons qu’exploiter une richesse que la nature met des millions de siècles à créer.» Il prévient qu’«un jour ou l’autre, ce dispositif se cassera la figure». Son avertissement s’étend à la menace sur l’intégrité du territoire que font peser, selon lui, les événements qui se déroulent au Nord-Mali. Il reproche au pouvoir de priver la population de l’information nécessaire à la compréhension de ce qui se passe à nos frontières. L'ancien chef du gouvernement prend la menace très au sérieux et rappelle que «pendant la période coloniale, l’organisation commune des régions sahariennes, sous des prétextes économiques, visait en fait à étayer l’idée de partition de l’Algérie. La puissance colonisatrice a tenté d’avancer l’idée du Sahara comme mer intérieure, pour appâter les voisins : le Maroc, la Tunisie, le Mali et le Niger. On suggérait ainsi que les richesses du Sahara algérien étaient communes». La guerre de Libération a duré deux ans de plus à cause de ces visées. Pour Sid-Ahmed Ghozali, «les richesses du sous-sol aiguisent les appétits, ici comme ailleurs». Il livre également son appréciation sur les mouvements islamistes. «Aqmi, dit-il, comme tous les mouvements extrémistes religieux, exploite des situations de dégradation économique, sociale, politique». Ils sont instrumentalisés aussi bien par les pays occidentaux que par ce qu’il définit comme «les gouvernements despotiques locaux». Du fait de leur manque de légitimité, explique-t-il, les pouvoirs sont tentés d’aller chercher la protection des puissances occidentales et celles-ci utilisent cette dépendance pour continuer à accaparer les richesses. Pour sortir de cette situation, profitable aux mouvements extrémistes religieux, il faut, selon lui, un changement radical aussi bien chez les Occidentaux que dans les pays concernés. Or, il ne voit nulle part ce changement. Il rappelle qu’en juin 2009, au Caire, Barack Obama avait promis une rupture avec l’approche néocoloniale, elle ne s’est pas produite, constate-t-il.
Karim Bouali
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