Arracher les mauvaises herbes
Jadis symbole de la grandeur d’une nation qui jouait les premiers rôles sur la scène internationale, aujourd’hui, le stade du 5-Juillet renvoie l’image d’un pays incapable de gérer quelques empans d’une herbe servant à faire circuler un ballon. L’histoire du complexe sportif qui porte aussi le nom d’un des déclencheurs de la Révolution armée, Mohamed Boudiaf, ne se résume pas à une partie de football, tant ce mastodonte construit par Boumediene en 1972 fait presque partie des armoiries de la République. Les gloires qui l’ont marqué et qui ont donné un noble retentissement à notre pays, accompagnent la mémoire de plusieurs générations depuis que cette arène existe. Que ce stade grandiose ait été transformé en une fange dans laquelle a été foulé l’honneur de tout un peuple, n'est pas qu'un problème de pelouse gorgée d’eau. C’est tout un système qui, encore une fois, prouve ses limites ; un système à l'ombre duquel, depuis l’indépendance, rares sont les fois où des responsables ont été inquiétés pour avoir, par leur mauvaise gestion, par leur incompétence, occasionné des pertes incommensurables au pays. Il en est ainsi des projets titanesques lancés sous Chadli et qui, sous le poids d’une crise financière étouffante, n’ont été repris qu’à la faveur d’une embellie permise par l’envolée des prix du pétrole, dans les années 2000. Un ancien ministre raconte que lors d’une de ses virées à l’étranger, où il devait rencontrer plusieurs dirigeants algériens au sein de grands groupes industriels internationaux, un de ces hauts cadres lui avait révélé comment il avait dû quitter le pays après que les responsables algériens en charge du dossier du métro d’Alger l’avaient écarté d’une soumission, lui préférant des sociétés étrangères pour traiter en devises fortes, histoire de se sucrer au passage. L’ancien directeur général d’Air Algérie, le défunt Tayeb Benouis, ne comprenait pas, lui, au milieu des années 90, comment notre pays avait pris le parti d’ériger un nouvel aéroport international en béton armé, alors que les plus grandes aérogares modernes à travers le monde sont construites en charpente métallique pour permettre à la fois de réduire les coûts de manière substantielle et d’en moduler l’espace selon les besoins. Des exemples comme ceux-là sont légion dans ce pays où la gestion rationnelle de l’argent public est le dernier souci des décideurs. Et l’affaire du 5-Juillet est une de ces mauvaises herbes qu’il faut arracher avant qu’elles ne grainent.
M. Aït Amara