La foire d’empoigne
La France a tendance à perdre la culture du consensus qui permettait aux partis politiques de désigner, sans heurts, leur premier responsable, en même temps candidat à la magistrature suprême du pays. Par un glissement progressif, le recours au vote des militants, organisé comme une vraie élection, est devenu incontournable pour départager les dirigeants qui ont l’ambition d’être président de la République. L’UMP s’est livrée à cet exercice, copiant le PS qui avait, après avoir surmonté péniblement ses tiraillements internes, porté François Hollande à ce poste tant convoité. Pour l’UMP, le résultat n’est pas du tout flatteur. Foire d'empoigne, c’est l’expression utilisée par les médias français pour décrire ce qui s’est passé au sein de ce parti. Une opération de vote, qui se voulait une pratique démocratique exemplaire, a tourné à la confusion la plus totale. 300 000 adhérents de l’UMP se sont déplacés aux urnes, le 18 novembre – un dimanche, pour que ça ressemble à une élection nationale – afin d'élire leur nouveau président. Le lendemain du vote, ils assistent au spectacle «hallucinant», selon le terme employé par une dirigeante de l’UMP, d’une guerre entre deux clans qui se lancent des accusations mutuelles de fraudes ponctuées de petites phrases assassines. L’explication est évidente : l’enjeu n’était pas seulement de désigner le nouveau chef de l’UMP mais aussi le candidat à la présidence de la République. En toute chose, les excès sont nuisibles. C’est valable pour la démocratie. A force de vouloir à tout prix créer une démocratie dans la démocratie en multipliant les élections, on finit par laisser croire que du vote de 300 000 militants de l’UMP sortira le futur président de la République française. A quoi sert le suffrage universel ? La logique de ce glissement conduit tout droit à deux collèges d’électeurs, formule en cours aux Etats-Unis.
Lazhar Houari