Trois intellectuels critiquent la liberté d’expression à deux vitesses en France
La montée de l’islamophobie en France a été au cœur d’une conférence-débat organisée hier soir à Paris. Les participants à cette conférence ont fustigé l’instrumentalisation de la «peur supposée» de la deuxième religion dans l’Hexagone à des fins «bassement politiciennes». Les participants à cette rencontre, initiée par le Conseil représentatif des associations et institutions françaises de culture musulmane (CRAF), étaient appelés à répondre à la question de savoir si la liberté d'expression autorisait la liberté d'insulter et ce que cache cette liberté d’expression quand elle vise à salir particulièrement le monde musulman. Pour Sadek Sellam, historien de l’islam contemporain, affirmer une liberté d’expression absolue sans aucune limite, dans le traitement en France de la question de l’islam, revient à «mépriser la dignité des croyants». Il a relevé, dans ce sens, que le propos en France est surtout de critiquer l’islam en tant que religion, et non pas l’islamisme, signalant qu’en France on s’attaque surtout à la personne du sceau des prophètes qui occupe une place centrale chez les musulmans. «Nous assistons, de ce fait, à une démocratie à double vitesse : celle de super-citoyens qui ont la liberté absolue, y compris la liberté de mépriser une bonne partie de leurs concitoyens, et les citoyens de seconde zone dont la dignité est méprisée.» Père Michel Lelong, ancien responsable du SRI (Secrétariat pour les relations avec l'islam), a affirmé que la liberté d’expression «ne doit pas être absolue ; elle a aussi ses limites». «Ces journaux qui se permettent d’injurier des croyants ou leurs prophètes ne méritent pas notre estime, parce qu’ils ne pensent pas aux croyants de base qui ne sont pas forcément des gens influents, cultivés ou puissants, mais qui souffrent», a-t-il dit. Reprenant le triptyque «liberté, égalité, fraternité», cher à la République française, il s’est interrogé si la liberté d’expression s’appliquait de la même manière en France selon qu’on parle des chrétiens, des musulmans, des juifs et des athées» «Non !» a-t-il répondu, estimant que la liberté d’expression en France «n’est pas toujours égalité». Il a cité l’exemple de l’interdiction de la chaîne de télévision El Manar en France sous prétexte qu’elle présentait une émission se moquant des rabbins, au moment où l’on continue, a-t-il fait remarquer, à tolérer l’existence de journaux comme Charlie Hebdo, auteur, récemment, de caricatures offensant le prophète Mohamed. Le blogueur et politologue René Naba a, pour sa part, relevé que tout discours contestataire, qu’il soit musulman ou chrétien, est «inaudible en France». Il a souligné le fait que des faiseurs d’opinion en France prennent des actes isolés présentés comme émanant de musulmans (affaire Merah, attaque de magasins appartenant à des Français de confession juive à Sarcelles, etc.) pour s’en servir comme «prétextes pour s’attaquer à l’islam et le stigmatiser».
Sarah L./Agence
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