Pas de veillées pour la paix israélo-palestinienne
Il y a quelques semaines, Israël et le Hamas ont accepté un cessez-le-feu. Les tirs de roquettes et les raids ont cessé et l’invasion terrestre de Ghaza a été évitée. Puis, à quelques jours d’intervalle, l’Assemblée générale de l’ONU a accordé à la Palestine le statut d’Etat observateur non membre. Des pages de l’histoire s’écrivent sous nos yeux. Pourtant, malgré tout, aucun signe de progrès vers une paix définitive n’est en vue. Décourageant ? Certes. Mais il n’y a pas de quoi désespérer. En voici les raisons principales.
Le conflit de Ghaza a donné au Hamas une toute nouvelle proéminence ; quant au président égyptien, Mohamed Morsi, il a joué, très adroitement, son rôle de médiateur pour parvenir au cessez-le-feu. En supposant, qu’il réussisse à calmer la rue dans son propre pays après sa décision unilatérale d’étendre ses pouvoirs, ses efforts à Ghaza font de lui un conciliateur potentiel de poids.
De son côté, le président palestinien Mahmoud Abbas, marginalisé dans le conflit de Ghaza, a une fois de plus été au cœur d’une initiative importante. Le 29 novembre dernier – date anniversaire de l’adoption par l’ONU du plan de partage de la Palestine en un Etat juif et en un Etat arabe en 1947 – le chef de l’autorité palestinienne a présenté à l’Assemblée générale des Nations unies une résolution sans précédent, permettant ainsi à l’Autorité palestinienne d’accéder au statut d’Etat observateur non membre avec 138 pays pour, 9 contre et 41 abstentions.
De cette façon, même si la Palestine n’est pas encore membre à part entière, son statut d’Etat est néanmoins reconnu, sur la base – comme le souligne la résolution– «d’une solution prévoyant deux États, avec un État palestinien indépendant, souverain, démocratique, d’un seul tenant et viable vivant dans la paix et la sécurité côte à côte avec Israël, sur la base des frontières d’avant 1967».
A travers le vote de l’Assemblée générale, la communauté internationale – et notamment la majorité des pays européens – s’est clairement exprimée : il est temps de mettre fin au statu quo. «Le processus de paix» ne peut plus stagner. Cela fait pratiquement soixante-cinq ans qu’Israël existe ; le conflit dure depuis trop longtemps. Il est temps qu’un Etat palestinien voit le jour, et que la paix s’établisse entre l’Etat hébreux et ses voisins arabes.
Les bases sont déjà existantes. Les «paramètres Clinton», l’Initiative de paix arabe, l’Accord de Genève, les pourparlers Olmert-Abbas de 2007-2008 prévoient tous les éléments d’un Etat palestinien aux frontières d’avant 1967 : des échanges de terres pour que les principales colonies fassent partie d’Israël, une division de Jérusalem, et un retour limité de réfugiés palestiniens en Israël. L’Accord de Genève, négocié par des visionnaires israéliens et palestiniens de premier plan, prévoient jusqu’aux moindre détails.
La solution à deux Etats est le seul moyen pour les Israéliens de vivre au sein d’un Etat juif sécurisé et démocratique. C’est aussi le seul chemin qui mènera les Palestiniens de Ghaza et de Cisjordanie vers un avenir prometteur. Aucune des deux parties ne peut se permettre d’entraver la marche des choses : que ce soit les Israéliens en approuvant l’établissement de nouvelles colonies et la suspension des paiements à l’Autorité palestinienne ou les Palestiniens en portant plainte contre Israël devant la Cour pénale internationale. C’est le moment des compromis, et non des provocations. Il est aussi temps pour l’administration Obama de jouer de son énorme influence pour assurer le succès des négociations.
Pendant la guerre entre Israël et Ghaza en 2008-2009, il y a environ quatre ans, un groupe de musulmans, de chrétiens et de juifs, dont je faisais partie, a élaboré une déclaration de paix interreligieuse appelée «Interfaith Declaration for Peace». Dans son préambule, cette déclaration souligne que «tous les peuples, y compris ceux du Moyen-Orient, ont un besoin légitime de dignité, de paix et de sécurité – quelles que soient leur religion, leur race ou leur origine».
Dans ses principes directeurs, cette déclaration reconnaît l’histoire douloureuse du conflit israélo-palestinien et le fait que les deux camps sont capables de justifier leur cause et de blâmer l’autre. Rejetant toute solution militaire, les signataires de la déclaration appellent à un cessez-le-feu immédiat et exigent des Etats-Unis et le la communauté internationale des efforts plus vigoureux en faveur d’une paix juste et durable répondant aussi bien aux aspirations nationales des Israéliens qu’à celles des Palestiniens. Le texte de la déclaration est tout à fait d’actualité aujourd’hui.
La déclaration fut signée par de nombreux responsables des communautés musulmanes, chrétiennes et juives de la région de Boston. Quelques jours après sa signature, le groupe interreligieux à l’origine de cette initiative avait organisé une veillée à la bougie dans le centre-ville de Boston lors de laquelle la déclaration avait été lue à haute voix.
Suite au dernier embrasement entre Israël et Ghaza, un grand nombre de ces mêmes responsables interreligieux ont commencé à se mobiliser pour organiser une nouvelle veillée à la bougie pour un cessez-le-feu ou pour la paix si les hostilités se prolongeaient. Heureusement, elles ont pris fin, en tout cas pour le moment. Entretemps, la communauté internationale a reconnu un Etat pour les Palestiniens, encourageant vivement Israël et la nouvelle Palestine de finir par s’accepter. Ce moment de changement est vraiment à saisir. Le but est clair et atteignable. Terminées les veillées pour la paix, à Boston ou ailleurs : désormais, il faut tout simplement la paix.
Michael Felsen, avocat et président du Boston Workmen’s Circle, une association communautaire juive et laïque