François Hollande : «J’ai commencé par l’Algérie pour trois raisons»
Le chef de l’Etat français, François Hollande, a exprimé, dans une conférence de presse tenue en fin d’après-midi, son vœu de construire avec l’Algérie une «nouvelle ère» résolument tournée vers l’avenir tout en regardant avec lucidité le «passé douloureux» entre les deux pays. «Ce voyage était nécessaire, il vient comme un aboutissement mais aussi comme le temps d'un nouvel âge que je veux engager entre la France et l'Algérie 50 ans après», a déclaré le président Hollande devant un parterre de journalistes. Cinquante ans après l’indépendance de l’Algérie, Hollande estime qu’«il y a une vérité à dire sur le passé et il y a surtout une volonté à prononcer pour l'avenir». Il assure être réaliste et ne pas occulter le poids du passé. Un passé qui, selon lui, doit permettre aux deux pays d’aller plus loin dans leurs relations. Hollande dit savoir qu’il y a beaucoup de voix qui réclament la repentance de la France pour les crimes coloniaux commis en Algérie. Il dit aussi qu’il y a des voix en France qui demandent autre chose. Mais en tant que président de la France, il s’en tient à la demande des autorités algériennes. «Je ne viens pas ici – ce n'est ni ce qui m'est demandé ni ce que je veux faire – faire repentance ou demander des excuses. Je viens dire ce qu'est la vérité, ce qu'est l'Histoire», a-t-il clamé, avant d’enchaîner que «le plus important, c’est ce que demandent de nous les autorités algériennes. Ces dernières ont confiance en moi pour trouver les mots justes pour parler du passé demain devant les membres des deux Chambres du Parlement». Hollande reconnaît le poids de l’Histoire. «J'ai toujours été clair sur cette question : vérité sur le passé, vérité sur la colonisation, vérité sur la guerre avec ses drames, ses tragédies, vérité sur les mémoires blessées», a-t-il souligné. Hollande espère que le passé et le devoir de mémoire ne constituent pas des obstacles pour penser et travailler pour l’avenir.
Parler du passé tout en regardant vers l’avenir
«Mais en même temps, volonté de faire que le passé ne nous empêche pas au contraire de faire le travail pour l'avenir. Le passé doit, dès lors qu'il est reconnu, nous permettre d'aller beaucoup plus vite et beaucoup plus loin pour préparer l'avenir. C'est ce que je dirai demain aux parlementaires algériens et, au-delà, aux Français et aux Algériens», a-t-il ajouté. Hollande assure dans le même contexte que la France va appliquer «pleinement» la loi d'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, conduits notamment dans le Grand Sud. Cette loi adoptée le 5 janvier 2010 établit les règles d'indemnisation des victimes des 210 essais nucléaires français effectués de 1960 à 1996 essentiellement à Adrar. Il souligne que les démarches sont engagées pour la décontamination des sites affectés par ces essais. Le président Hollande a confirmé avoir abordé «tous les sujets avec mon homologue le président Bouteflika». François Hollande a affirmé avoir eu des convergences de vue sur les dossiers régionaux et internationaux, dont la crise malienne. «En France, comme en Algérie, nous sommes pour les négociations. Nous sommes pour la lutte contre le terrorisme», a déclaré Hollande. «L'Algérie a lutté contre le terrorisme et elle est en train de nous livrer son expérience. Le président Bouteflika et moi-même sommes en convergence de vues pour le traitement de la crise du Mali», a-t-il répondu aux questions des journalistes sur le sujet. Pour Hollande, la lutte n’exclut pas le dialogue entre Maliens et son encouragement par notamment l’Algérie qui, affirme-t-il, joue un rôle capital pour son aboutissement. «Nous pensons qu'il convient de faire le dialogue politique pour que les négociations puissent permettre au Mali de recouvrer son intégrité territoriale avec les mouvements et les forces qui luttent directement contre le terrorisme», a-t-il dit. A propos du dossier du Sahara Occidental, il affirme que le conflit doit trouver sa solution au sein du Conseil de sécurité.
Hollande et la spécificité algérienne
Le chef de l’Etat français dit également avoir eu l’assurance du président Bouteflika de faire le nécessaire pour que l’enquête sur l’assassinat des moines de Tibhirine soit menée jusqu’au bout. Selon lui, le président Bouteflika a donné toutes les instructions, autant qu'il est possible, à la justice pour aller jusqu'au bout de l'enquête. Cela, tout en soulignant que «c'est à la justice algérienne, avec la justice française, de faire toute la lumière sur ce qui s'est produit». Interrogé sur le «printemps arabe» et l’Algérie, Hollande a indiqué que chaque pays a ses spécificités. Pour lui, l’Algérie a vécu son printemps il y a longtemps. Un printemps douloureux. «Je veux saluer le courage des Algériens qui ont lutté, pendant toutes ces années (contre le terrorisme) et la manière avec laquelle ils ont réussi à rester unis», a-t-il dit, estimant que le processus des réformes en Algérie «arrive à son terme» avec, comme «dernière étape», la prochaine révision de la Constitution. Le chef de l’Etat français, qui fait preuve de pragmatisme et de réalisme, assume son choix de venir en Algérie d’abord avant d’aller dans d’autres pays maghrébins et africains. C’est un choix qu’il dit avoir fait pour trois raisons. La première est qu’on est en pleine célébration du cinquantenaire de l’Indépendance. La deuxième est qu’il y a beaucoup de dossiers et de problèmes à régler ensemble. La troisième est qu’il avait une relation personnelle avec l’Algérie. Hollande indique que sur le plan économique, il y aura beaucoup d’annonces aussi importantes que le projet de Renault en Algérie. «Il y aura une déclaration d'amitié et de coopération, c'était la meilleure formule. Ce document sera suivi par un autre qui est le document cadre du partenariat et qui est un programme de travail sur cinq ans dans les domaines économiques, financiers, culturels, agricoles et même de défense», a-t-il dit. L’hôte de l’Algérie terminera sa conférence de presse par le lancement d’une invitation au président Bouteflika pour une visite d’Etat en France, «en temps voulu».
Sonia Baker
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