Aït Ahmed quitte la présidence du FFS après 49 ans de règne
L’absence et le silence du leader charismatique du FFS, Hocine Aït Ahmed, au summum de la crise qui a secoué son parti à la veille des élections législatives et qui a conduit à une fission en son sein, indiquait que le zaïmn’était pas loin de la retraite. Malade, fatigué ou dépassé par la tournure pris par les événements au sein du parti aux destinées duquel il a présidé sans partage depuis sa création en 1963, Aït Ahmed n’a pas pu, pour la première fois dans l'histoire du parti, remettre de l’ordre et éviter la désobéissance de plusieurs centaines de ses militants alors même que la règle numéro une au FFS a de tout temps été une discipline sans faille et une dévotion quasi extatique au maître incontesté. Dans son message au conseil national, Hocine Aït Ahmed fait fi de la crise interne du parti qu’il qualifie de «plus vieux et plus solide parti d’opposition démocratique», laissant néanmoins entendre que les turbulences qu’il a traversées seraient la conséquence de «traquenards» qu’il a su vaincre. Les crises du parti, elles ne peuvent être que «fomentées dans les officines ou générées par un climat ambiant peu soucieux de sincérité et de dialogue franc». La gestion autocratique du FFS par celui qui en a tenu les rênes depuis un demi-siècle n’y serait pour rien, donc. Ce ne peut être que le fait des services secrets qu’Aït Ahmed accuse sans les nommer. La saignée qu’a connue le FFS ces derniers mois est une «dérive infantile», selon lui. Une minimisation des faits qui n’est pas sans rappeler le fameux «chahut de gamins» d’un responsable algérien face aux douloureux événements d’octobre 1988. Cette vision peu respectueuse envers ses militants mécontents, qui ont choisi de poursuivre leur action politique ailleurs, dénote d’un paternalisme teinté d’un totalitarisme qui ne tolère aucune opposition. Avant de tirer sa révérence et, par la même, sonner le glas d’un parti qui n’existe que par et pour son chef unique à qui «le cycle de la vie» s’est imposé, Hocine Aït Ahmed laisse une consigne aux allures de testament : «Nous sommes dans le sens de l’Histoire et notre peuple ne renonce jamais. Cet événement (le 5e congrès qu’il vient de convoquer pour le premier trimestre 2013, ndlr) doit donner tout son sens à un véritable changement démocratique dans notre pays.» Un changement qui se fera sans lui à la tête d’un FFS auquel il semble déjà avoir préparé sa tombe sur laquelle il sera écrit : «Fondation Hocine Aït Ahmed» et dont la mission de sa sauvegarde est d’ores et déjà confiée à ses enfants. Héritage oblige.
M. Aït Amara
Le message de Hocine Aït Ahmed au conseil nationle du FFS
«Chers camarades,
Depuis la préparation de la convention nationale du parti sur les élections législatives et jusqu’à ces élections communales, beaucoup de chemin a été parcouru. Sur ce chemin il y a eu beaucoup d’obstacles. Mais le FFS ne serait pas ce qu’il est, c’est-à-dire le plus vieux et le plus solide parti d’opposition démocratique, s’il n’avait su, tout au long de ces années, serrer les dents durant les épreuves, renforcer les liens entre les militants les plus sincères, faire corps avec sa base et remonter, victorieux, à contre-courant de tous les traquenards.
En dépit de toutes les crises, fomentées dans les officines ou générées par un climat ambiant peu soucieux de sincérité et de dialogue franc, le FFS a élargi sa base militante, conquis de nouveaux citoyens et convaincus de valeureux militants de joindre leurs forces aux siennes à travers diverses régions du pays. Cet acquis inestimable doit être mesuré à sa juste valeur.
Pour les partis comme pour les femmes et les hommes, il faut savoir grandir, si on ne veut pas finir dans les dérives infantiles.
Il ne s’agit donc pas de se satisfaire d’avoir résisté, et survécu, aux terribles épreuves que le parti a traversées en même temps que le pays. Les défis qui attendent d’être relevés sont au moins aussi importants et sérieux que ceux que le parti a relevés au cours des décennies passées.
D’autant que les conjonctures nationale et régionale, déjà fort troublées par les crises qui secouent chacun des pays de la région, s’alourdissent en raison des contrecoups de la crise internationale.
La menace d’une guerre de déstabilisation majeure pèse lourdement sur la région du Sahel. Elle peut entrainer l’ensemble du Maghreb dans des turbulences dévastatrices.
Les peuples de la région risquent de se retrouver de nouveau ballotés par des forces hostiles à leur développement, à leur cohésion et à leur liberté. Tous trois insuffisamment promus et renforcés par des régimes trop occupés à réprimer leurs peuples et à se quereller pour anticiper les mutations et les bouleversements.
Chers camarades,
Plus que jamais, la mobilisation des consciences vives de la région est impérative. Plus que jamais, le Maghreb devra apprendre à sortir de la politique des slogans creux pour investir la voie du dialogue et des choix stratégiques mutuellement bénéfiques.
Pour l’heure, l’ensemble des régimes, anciens ou nouveaux, restent scandaleusement dépendants de leurs «amis» d’Orient ou d’Occident, et trop peu sincères et engagés dans le développement politique démocratique, le développement économique régional et le rapprochement effectif entre les Etats, les peuples et les régions de l’ensemble maghrébin.
Chers camarades,
Le parti, le pays et l’ensemble de la région seront des sujets de réflexion et de débat constant pour les mois qui viennent.
Aussi, je vous invite d’ores et déjà à inscrire ces préoccupations pour la préparation des travaux du 5e Congrès du FFS, nouvelle étape de notre feuille de route, que je convoque officiellement pour le second trimestre de l’année 2013. Nous sommes dans le sens de l’Histoire et notre peuple ne renonce jamais. Cet événement doit donner tout son sens à un véritable changement démocratique dans notre pays.
Chers camarades,
Rappelons-nous nos «devoirs de vérité et de lucidité» : Mes convictions et ma ferveur sont toujours aussi vivaces qu’aux premières heures de mes soixante dix ans de militantisme. Mais les cycles de la vie s’imposent à tous. Je dois ainsi vous dire que le moment est venu pour moi de passer le témoin et que je ne me présenterai pas à la présidence du parti pour le prochain exercice.
Dans cette perspective, je vous confie dès à présent le soin de maintenir le cap, de préserver et de développer le FFS, dans la collégialité, conformément à l’éthique qui a toujours guidé nos actions.
Je reste encore, bien entendu, à l’écoute des militantes et des militants et en relation de confiance avec le Comité éthique et le Secrétariat national à qui je demande d’engager dès maintenant le processus de préparation du 5e Congrès du FFS par la mise en place, conformément à nos statuts et notre règlement intérieur, de la Commission de Préparation du Congrès National (CPCN) et de tout mettre en œuvre pour sa réussite.
Je resterai, dans l’avenir, toujours proche de vous dans la réflexion et l’action, en particulier, avec la collaboration de mes enfants, dans le cadre de la «Fondation Hocine Aït-Ahmed» que j’ai décidé de constituer.
Avec mes salutations militantes, et mes vœux de réussite pour les prochaines étapes de lutte et de construction du parti et de l’alternative démocratique dans notre pays, ainsi que pour l’édification d’un Maghreb démocratique.
Hocine Aït Ahmed»
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