Guerre au RND : le retour du général Mohamed Betchine ?
Le vent de la contestation souffle de plus en plus fort sur la maison RND. Les opposants au secrétaire général du parti, Ahmed Ouyahia, redoublent de férocité depuis quelques semaines. Les «bons résultats» obtenus lors des élections locales n’ont pas refroidi les ardeurs des contestataires de l’ancien Premier ministre. Fort, désormais, de leur nouveau chef, le très médiatique Yahia Guidoum, les redresseurs ne ménagent aucun effort pour destituer «le plus vite possible» celui qu’ils accusent d’avoir dirigé le RND d’une main de fer depuis 1999. Lancé en mai 2012 par les «recalés» des élections législatives, le mouvement de redressement, qui piétinait au début sous la conduite de l’ancien P/APC d’Alger-Centre, Tayeb Zitouni, connaît aujourd’hui un souffle nouveau avec le ralliement de grosses pointures dont des ministres en exercice. Du jamais vu au sein de cette formation fondée en 1997.
Quatre ministres et un général
Ils sont quatre ministres à signer l’appel à la destitution d’Ahmed Ouyahia : Chérif Rahmani (Industrie), Belkacem Melah (secrétaire d’Etat chargé de la Jeunesse), Mohamed Mibarki (Formation professionnelle) et Bouabdallah Ghlamallah (Affaires religieuses). A ces noms annonciateurs d’une bataille féroce aux enjeux dépassant les calculs partisans, s’ajoutent ceux non moins importants d’anciens ministres à l’instar de Mouldi Aïssaoui et Belaïd Bekhti. Il y a également un autre poids lourd : l’ex-secrétaire général de la Présidence, Ammar Zegrar, qui connaît bien les arcanes du système. Ces détracteurs d’Ahmed Ouyahia, qui s’affichent ouvertement, sont loin d’être de simples aventuriers qui s’engagent dans des «opérations» sans en avoir réellement calculé le coup et les conséquences politiques. Autrement dit, la crise qui déchire actuellement le RND est loin d’être un simple conflit d'intérêts conjoncturel lié aux élections législatives et locales. La crise est bien plus profonde et l’enjeu dépasse celui du contrôle du parti, puisqu’il s’agit de l’avenir même du pays. Ces dissensions internes qui montent crescendo participent, en effet, d’un affrontement insidieux pour la succession au président Bouteflika qui, pour le moment, n’a pas encore décidé de briguer un quatrième mandat en 2014. Certaines sources très au fait de cette crise parlent d’un retour aux affaires du général à la retraite Mohamed Betchine qui, en réalité, ne s’est jamais éloigné du centre de décision en se rangeant, lui aussi, du côté du président Bouteflika.
Les «pions» en mouvement
Les incertitudes sur la candidature ou non de Bouteflika pour un quatrième mandat mettent en branle les machines partisanes de tous les acteurs qui veulent jouer, chacun à sa façon, un rôle prépondérant dans le processus de succession. Il y a les caciques qui sont de retour et qui cherchent à se replacer sur l’échiquier politique et sur la pyramide du pouvoir. Il y a, de l’autre côté, ceux qui sont aux affaires, téméraires et pleins d’ambition, qui refusent d’abdiquer. Cette situation est née justement de cette absence d’un successeur «clé-en-main», d’un leader capable d'occuper le poste de Président en remplacement d'un Bouteflika qui a marqué ses trois mandats par son omniprésence, au point que rien ne semble se faire sans son aval, «jusqu'à la réfection d'un trottoir», ironise-t-on. Ce «vide», créé par cette ubiquité du chef de l’Etat lui-même, attise ainsi les appétits des uns et des autres et ouvre la voie à tous ceux qui chérissent l’idée de présider un jour aux destinées de l’Algérie. D’une manière ou d’une autre , soit en étant directement candidat soit en étant le mentor de celui qui sera porté à la tête de l’Etat. Ce qui se passe au RND – appendice du pouvoir –, comme d’ailleurs au FLN, reflète en tout cas une guerre de tranchées pour la présidentielle de 2014.
L’arroseur arrosé
Ahmed Ouyahia n’a jamais caché son ambition présidentielle, même s’il a toujours affirmé que jamais il ne se présenterait contre Abdelaziz Bouteflika. Ses opposants, bien qu’ils ne le disent pas, semblent vouloir, comme les redresseurs du FLN, lui barrer le chemin qui mène à El-Mouradia. Au profit de qui ? Difficile d’y répondre. Le général à la retraite Mohamed Betchine, qui a créé le RND en 1997 chez feu Mohamed Diabi, sur la côte ouest algéroise, et en présence de deux autres personnalités proches du système à l'époque, n’hésiterait pas à reprendre la main. Et le contexte semble s’y prêter. Le RND a toujours vécu au rythme de coups et de contrecoups. L’accession d’Ahmed Ouyahia en 1999 à la tête de ce parti fut lui-même un véritable coup de force contre Mohamed-Tahar Benbaïbèche que le très influent Betchine (à l’époque) avait choisi pour diriger le parti «né avec sa moustache». Ouyahia sera-t-il cet arroseur arrosé ? Ahmed Ouyahia aura-t-il les coudées franches pour résister à cette attaque frontale, sachant que ses fidèles lieutenants, tels que Seddik Chihab, Abdesselam Bouchouareb et autre Miloud Chorfi, sont loin de faire le poids face aux grosses pointures qui ont rallié l’opposition interne. Pugnace, Ahmed Ouyahia, qui a toujours placé son statut de commis de l’Etat avant celui de chef du parti, va-t-il remettre les armes et céder à la pression ? Nous le saurons avant mai 2014.
Sonia B.
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