Les objectifs s’éloignent
Les prévisions pessimistes concernant la Tunisie se confirment aux dernières nouvelles. Le terrorisme y fait ses premiers pas sous couvert de «violence politique». Il se dévoile progressivement avec comme indicateurs indiscutables l’usage des armes, les échanges de tirs avec les forces de sécurité et les victimes de part et d’autre. Ce scénario, déjà vécu en Algérie, comprend la saisie d’armes et de munitions dont on devine facilement à quoi elles sont destinées. Les affrontements armés se déroulent, sans surprise, dans des lieux fortement influencés par les salafistes. Derrière cette «violence», se trouve un réseau lié à Al-Qaïda que les services du ministère tunisien de l’Intérieur ont récemment découvert mais qu’ils n’ont pas réussi encore à totalement neutraliser. La «violence» se développe sur fond d’une profonde déception dans la population, ce qui n’aide pas à la sensibilisation sur le danger islamiste ni à la mobilisation pour lui faire face. Les Tunisiens étaient sortis dans la rue, il y a deux ans, pour retrouver la dignité et les libertés, inséparables de la justice sociale, mais à ce jour, ces objectifs se sont encore éloignés. La menace islamiste qui se précise de jour en jour risque de jeter ce pays voisin pour longtemps dans la tourmente. Cette hypothèse est confortée par un paysage politique largement dominé par Ennahda qui aide, d’une façon ou d’une autre, les salafistes à s’organiser, tout en s’efforçant, en même temps, d’endormir la vigilance des services de sécurité en minimisant leur danger. En la matière, Rached Ghannouchi, chef d’Ennahda, se révèle un véritable maître de l’intoxication, comme l’était Abassi Madani en Algérie. Deux ans après la «révolution du jasmin» et la fuite précipitée du président Ben Ali vers l’Arabie Saoudite, le pays navigue à vue, constatent les observateurs. Personne ne sait où va la Tunisie.
Cherif Brahmi