Lettre ouverte au président Bouteflika
Monsieur le Président
Par cette présente lettre, nous Algériens du Nord-Pas-de-Calais, nous nous adressons à vous pour exprimer toute notre indignation face à l’expulsion de deux de nos concitoyens, le dimanche 29 décembre 2012, par l’Etat français, dans un état de santé lamentable, l'un d'entre eux a été hospitalisé dès son arrivée à l’aéroport Houari-Boumediene.
Monsieur le Président
Monsieur le Président
Par cette présente lettre, nous Algériens du Nord-Pas-de-Calais, nous nous adressons à vous pour exprimer toute notre indignation face à l’expulsion de deux de nos concitoyens, le dimanche 29 décembre 2012, par l’Etat français, dans un état de santé lamentable, l'un d'entre eux a été hospitalisé dès son arrivée à l’aéroport Houari-Boumediene.
Monsieur le Président
Il est à souligner que ce n’est pas la première fois qu’un Algérien est expulsé d’un pays de l’Union européenne et notamment de France, la différence aujourd’hui réside dans cet acharnement politique dont ont été victimes Ahmed B. et Azeddine B.
En tant qu’Algériens résidant en France, nous ne pouvons nous taire face à cette atteinte à la dignité humaine, et algérienne en l’occurrence. Certes, nos deux concitoyens étaient sans papiers mais ce sont des humains et le traitement qui leur a été réservé est indigne du pays berceau des droits de l’Homme et inconcevable après la visite récente du président François Hollande en Algérie, les 19 et 20 décembre 2012.
Seulement 10 jours après sa venue, nos deux concitoyens algériens ont été expulsés dans des circonstances qui portent atteinte à la dignité humaine.
– Comment se taire après avoir vu deux frères au bord de l’abime, suite à une grève de la faim de presque deux mois pour régulariser leurs situations administratives ?
– Comment se taire quand on sait que nos deux frères ont été arrêtés dans une église à Lille occupée par 81 personnes ? Après un contrôle d’identité, 6 autres personnes ont été arrêtées et amenées à la PAF (Police de l’air et des frontières). Au centre de rétention, seuls les deux concitoyens algériens ont été placés.
– Comment se taire quand on sait que parmi les 81 personnes occupant l’église, certains ont déjà fait objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF), mais sans faire l’objet d’arrestation dans cette occupation pacifique?
– Comment se taire après avoir vu deux frères, arrivés au tribunal administratif, dans un état d’asthénie générale, d’aphasie et l’un deux avec un pot à la main pour vomir ses boyaux ?
– Comment se taire quand les larmes de l’un d’entre eux ont inondé le sol du tribunal de grande instance de Lille ?
– Comment se taire après avoir vu un des deux frères gisant par terre sur le sol du tribunal de grande instance de Lille et subir l’indifférence?
– Comment se taire après avoir vu un des frères encore plus malade que la veille amené sur une chaise roulante à la cour d’appel de Douai au lieu qu’il soit à l’hôpital?
– Comment se taire quand on sait que la juge de la cour d’appel de Douai a annoncé des délibérations d’une quinzaine de minutes et ne revient qu’après au moins quatre heures ?
– Comment se taire quand la juge de la cour d’appel de Douai préconise une consultation médicale vu l’état de santé de nos deux frères et qu’après expulsion, l’un d’entre eux est hospitalisé en Algérie ?
– Comment se taire quand le dossier de la personne expulsée pouvait bénéficier d’une régularisation au regard de la circulaire du 28 novembre 2012, soit par le travail soit par les attaches familiales et personnelles ici en France ? L’un d’entre eux avait un contrat de travail (formulaire CERFA n°13653*03 et n°13662*05 dans le dossier) et l’employeur avait certifié devant le juge qu’il le recrutera dès que la situation administrative sera régularisée. Concernant le deuxième concitoyen, il avait la possibilité de trouver un contrat de travail.
– Comment se taire quand on sait que les billets d’avion ont été achetés le 28 décembre 2012, auprès de la compagnie Air France, avant même de savoir quel sort réserveront les tribunaux français à la situation de nos deux frères ?
– Comment se taire quand un membre du consulat d’Algérie de Lille, arrivé au centre de rétention de Lesquin à 8h30, au lieu d’exiger l’hospitalisation immédiate d’un concitoyen algérien qui n’arrivait même pas à lui parler normalement vu son état de santé, se précipite pour signer un laisser-passer?
– Comment se taire quand on sait que nos deux frères ont été attachés et l’un deux la bouche bâillonnée avec du scotch large ? Les deux grévistes de la faim font le récit suivant : «Ils sont réveillés à 3h du matin, sont menottés, amenés dans deux voitures et placés dans la zone 2F de la PAF. Ils montent les premiers en zone 2E dans le vol Air France/KLM de 7h30 pour Alger, accompagnés de trois policiers. Dès la montée des premiers passagers, ils crient pour attirer leur attention, ils sont ligotés, puis bâillonnés avec du gros scotch.»
Monsieur le Président
Le président François Hollande a déclaré lors de sa récente visite en Algérie que «pendant 132 ans, l'Algérie a été soumise à un système profondément injuste et brutal. Ce système a un nom : c'est la colonisation. La vérité, elle n'abîme pas, elle répare. Elle ne divise pas, elle rassemble. Alors, l’histoire, même quand elle est tragique, douloureuse, doit être dite… Rien ne se construit dans la dissimulation, l'oubli ou le déni.»
Monsieur le président François Hollande ne peut évoquer la brutalité et l’injustice du colonialisme, juger que la vérité répare et rassemble, et au même temps tolérer cet acharnement politique et l’expulsion indigne de nos deux concitoyens algériens en dépit de la décision de libération du tribunal de grande instance de Lille et de la préconisation de consultation médicale avant l’expulsion par la juge de la cour d’appel de Douai.
Monsieur le Président
Nous avons quitté notre pays pour de multiples et diverses raisons, souvent ce n’était pas un choix, mais nous ne pouvons tolérer et accepter un accueil ou un traitement indigne de l’humain et notamment de l’Algérien que nous sommes.
Monsieur le président François Hollande évoque aussi dans son discours les échanges économiques et universitaires entre la France et l’Algérie en promettant d’«accueillir mieux» les Algériens demandant des visas. Est-ce ainsi qu’entend mieux accueillir les Algériens, Monsieur François Hollande ? C’est dans cet esprit de vérité, de la brutalité vécue face à ce système d’expulsions indigne, que nous nous adressons à vous Monsieur le Président. Nous croyons en votre capacité à stopper ce dénigrement au quotidien de l’Algérien et de l’étranger au général, en France, rien que dans le but de satisfaire les idées lepénistes fascisantes qui d’années en années trouvent répondant au sein même de l’Etat français. Est-ce parce que le Front National, par le biais de Florian Philippot, était scandalisé par le propos «accueillir mieux les Algériens demandant des visas» de Monsieur le président Hollande, que l’expulsion de nos deux concitoyens vise réconforter ce parti et prouver le non-laxisme de l’Etat face à l’immigration irrégulière ? Mieux accueillir ce n’est pas l’embarquement dans des conditions ignobles et inhumaines ! La dignité ça ne se négocie pas. Le fameux «partenariat d’égal à égal» revendiqué par François Hollande lors de sa récente visite en Algérie révèle-t-il d’une certaine vision de l’égalité : celle du colon ?
Au nom de ceux qui sont morts pour l’indépendance de l’Algérie et de la dignité de l’Algérien où qu’il soit, nous nous adressons à vous afin d’user de votre stature de président de la République afin :
– D’exiger réparation face à cette atteinte grave des droits de nos deux concitoyens expulsés, ce dimanche 29 décembre 2012, en leur accordant un visa de retour et leur régularisation sans condition.
– D’exiger le respect de la dignité de nos concitoyens algériens au nom de tous les accords qui lient l’Algérie et la France.
– De suspendre de ses fonctions l’émissaire du consulat qui a signé le laisser-passer d’un concitoyen malade sans exiger son hospitalisation au préalable.
Dans l’attente d’une suite favorable à notre demande, veuillez agréer, Monsieur le Président, les assurances de notre très haute considération.
Groupe d’Algériens et d’Algériennes du Nord-Pas-de-Calais
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