Presse contradictoire
«Le saut dans l’inconnu», c’est ainsi que se terminait, le 14 janvier au soir, sur le site de Libération, la longue analyse qu’a faite ce quotidien sur l’intervention de l’armée française au Mali. Naturellement, ce fait domine l’actualité dans la presse en France et les éditorialistes l’ont abondamment commenté. Les questionnements n’ont pas manqué sur ce qui a été placé d’abord sous le générique «intervention française au Mali» puis rapidement «guerre au Mali». Si l’argument de la riposte à une évolution précipitée des événements provoquée par l’offensive des groupes armés vers le sud du pays a paru convaincre, c’est sur «l’inconnu» qui attend les troupes françaises que les interrogations ont été les plus fréquentes dans la presse française. Tranchant avec l’assurance dont elle avait preuve au moment de l’agression contre la Libye destinée à faire tomber Mouammar Kadhafi, la presse trahit, à travers ses interrogations, une certaine inquiétude s’agissant de l’opération au Mali. Libération a interpellé François Hollande sur les buts de cette guerre au-delà du coup d’arrêt à l’avancée des islamistes. «Gendarme de l’Afrique», c’est là, visiblement, la crainte de ce quotidien, voir la France à nouveau se mêler des affaires africaines, avec toutes les connotations que comporte cette expression, comme si les pays concernés étaient toujours des colonies. Pour une partie de la presse française, il n’y a pas de solution militaire au conflit et le gouvernement français gagnerait à dire jusqu’où il compte lancer son armée au Mali. Le Monde, pour sa part, ne cache pas son appréhension face aux risques liés à la guerre. «Et si ça tournait mal ?», la question n’est pas aussi brutalement posée, mais elle est implicite dans les commentaires. Bientôt, ça pourrait être «de quoi, nous mêlons-nous ?». Ouvertement ou en filigrane, la presse française revient sur l’aventure libyenne déclenchée par Sarkozy et dont Hollande subit aujourd’hui les conséquences. Pourtant, elle avait été quasiment unanime à soutenir l’entrée de l’armée française en Libye.
Lazhar Houari