Les cinéphiles algérois orphelins de leurs salles
Fermées, délabrées, détournées de leur vocation ou pour les plus chanceuses mal exploitées, les salles obscures qui, jadis, attiraient les foules ont aujourd’hui pratiquement disparu du paysage urbain de la capitale et n’ont désormais d’existence que par le souvenir.
Fermées, délabrées, détournées de leur vocation ou pour les plus chanceuses mal exploitées, les salles obscures qui, jadis, attiraient les foules ont aujourd’hui pratiquement disparu du paysage urbain de la capitale et n’ont désormais d’existence que par le souvenir.
Appartenant aux collectivités locales qui en ont cédé la gestion aux privés, les rares petites salles de quartiers qui fonctionnent encore, à l’image d’El-Hilal (ex-Triomphe) et El-Hayet (ex-Midi-minuit), ne survivent aujourd’hui que grâce à la projection de DVD piratés ou de retransmission de rencontres de football. Pourtant, le cahier des charges régissant l’exploitation des salles de cinéma, propriété des communes, interdit cette pratique et oblige le gérant à projeter des films exclusivement en format 35 mm en passant par le circuit classique de distribution cinématographique. Quelques salles obscures qui faisaient le bonheur des Algérois avant même l’indépendance n’existent plus, aujourd’hui, que dans la mémoire collective d’une génération d’Algériens, détournées qu’elles sont de leur fonction initiale.
Le Français, «le cinéma des amoureux», El-Djamel, la salle du quartier populaire de Soustara, le Mondial (Sidi M’hamed) ou le Regent (Alger-Centre), des lieux mythiques, sont transformés en commerce, en salle des fêtes, en annexe d’APC, voire en habitations…
Même si quelques salles de cinéma restaurées par les communes d’Alger-Centre et Sidi M’hamed peuvent aujourd’hui accueillir le public, comme la salle Sierra Maestra, l’exploitation effective, le nombre et la qualité des films proposés ainsi que les horaires de projection sont encore «loin du faste des années 70», déplorent des cinéphiles nostalgiques.
Après la récente fermeture pour travaux de L’Algeria, L’ABC et El-Khayam (ex-Debussy), l’unique salle du centre-ville, Sierra Maestra, tourne aujourd’hui avec des petits spectacles pour enfants et un seul film projeté tous les jours de la semaine en après-midi, alors même que l’activité culturelle est par essence nocturne.
Salles abandonnées et projets de restauration
Le quartier populaire le plus célèbre d’Alger, Bab El-Oued, accuse aujourd’hui le constat le plus accablant avec « une absence totale de structures communales dédiées à la culture et à la jeunesse», avoue M.Chikhi, vice-président de la commune qui regrette qu’autant de salles du quartier restent exposées à l’usure du temps, comme Le Maghreb (ex-Marignan), Le Variété ou la salle Chlef.
L’état de vétusté qui caractérise depuis des lustres de larges parties de la Casbah d’Alger n’a évidemment pas épargné les salles sombres de la vieille médina, à l’exemple de Nedjma et L’Odéon réduites, aujourd’hui, au statut de bâtisses sans utilité.
La commune d’Alger-Centre qui compte, elle, le plus grand nombre de salles dont beaucoup, certes, sont candidates aux opérations de réhabilitation, comme Echabab (ex-Casino), restaurée et récemment réceptionnée, compte aussi dans son inventaire des salles fermées ou à l’abandon : Le Douniazad ou Le Marivaux qui menacent ruine, étant le parfait exemple.
Tout en annonçant la réouverture prochaine de L’Algeria, l’ABC et El-Khayam, l’actuel président de l’APC d’Alger-Centre, Abelhakim Bettache, a confirmé à l’APS que la réfection de ces espaces dépend des ressources financières de chaque commune. C’est ce qui expliquerait, selon lui, que «plusieurs salles sont aujourd’hui abandonnées», à l’image de celles qui se trouvent dans les communes de Kouba, El-Harrach ou encore Hussein Dey.
Cependant, l’inquiétude des responsables et des cinéphiles va au-delà du constat présent : qu’adviendra-t-il de ces lieux qui brillaient de mille feux dans un passé pas si lointain, une fois restaurés ? Et d’ailleurs, à quelle fin devrait-on restaurer des salles de cinéma qui font aujourd’hui figure d’intruses dans un paysage urbain qui ne les intègre plus ?
R. C.
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