Révélations d’une ancienne diplomate américaine : la France «payait» les terroristes d’Al-Qaïda
Briser le «cercle vicieux» des enlèvements contre rançon – pour reprendre les termes de David Cohen, haut responsable américain de la lutte contre le terrorisme –, c’est ce que ne veut pas faire la France. La chaîne i-Télé a rapporté une information donnée par une ex-diplomate américaine selon laquelle les autorités françaises ont versé une rançon «d'environ 17 millions de dollars» pour tenter d'obtenir – sans succès – la libération des quatre Français enlevés le 16 septembre 2010 dans le nord du Niger, à Arlit. Dans une interview enregistrée jeudi et diffusée ce vendredi, Vicki Huddleston, ambassadrice des Etats-Unis au Mali de 2002 à 2005, chargée des affaires africaines au secrétariat à la Défense de juin 2009 à décembre 2011, affirme que l'argent de la rançon a transité par le gouvernement malien avant de finir, pour partie, dans les mains d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), qui a revendiqué l'enlèvement. Elle ajoute que les Européens ont versé 89 millions de dollars entre 2004 et 2011 pour obtenir des libérations d'otages. C'est, dit-elle, «le chiffre dont j'ai entendu parler et que j'ai vu écrit noir sur blanc». La France a beau nier ce fait, Vicki Huddleston explique que «tout le monde sait que de l'argent passe de mains en mains et par différents intermédiaires et que cela termine dans la trésorerie, pouvons-nous dire, d'Aqmi et que cela leur permet d'acheter des armes et de recruter». «Les rançons, comme toutes les rançons, ont été payées indirectement. Elles ont terminé entre les mains du gouvernement malien et ensuite elles sont retournées, du moins une partie, aux salafistes», a-t-elle précisé. «Je suppose que la plupart des gens étaient au courant, les Algériens particulièrement savaient ce qui se passait quand des otages étaient libérés», a affirmé l'ex-diplomate. D’après David Cohen, dont le titre exact est sous-secrétaire au Trésor pour la lutte contre le terrorisme et le renseignement financier, le gouvernement américain estime que les organisations terroristes ont collecté environ 120 millions de dollars en paiements de rançons au cours des huit dernières années (voir article dans Algeriepatriotique, 7 octobre 2012). Expliquant que les demandes de fonds par certaines branches terroristes sont allées, parfois, au-delà de rançons, il a fait savoir qu'une filiale d'Al-Qaïda avait même tenté d'extorquer des paiements annuels importants, s'élevant à des millions d'euros par an, auprès d'une société basée en Europe, en échange de la promesse de ne pas cibler ses intérêts en Afrique. Il avait fait observer qu'au Mali, en particulier, mais aussi dans une certaine mesure, au Yémen, les groupes Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et Al-Qaïda dans la Péninsule arabique (Aqpa) se sont renforcés, expliquant que l'origine de leur force provient de l'argent accumulé essentiellement à travers cette pratique.
Karim Bouali
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