Un neveu de Mohamed Bedjaoui au centre d’un scandale de malversations lié à Saipem
L’enquête menée par le procureur de Milan sur les contrats douteux de Saipem, groupe italien de services parapétroliers appartenant à 42% au géant pétrolier ENI, obtenus ces dernières années en Algérie, connaît de nouveaux rebondissements. Selon le prestigieux journal italien Il Solo 24 Oro, dans sa livraison d’aujourd’hui, un lien a été désormais établi par les enquêteurs entre un des dirigeants de Saipem, Pietro Varone, suspendu depuis l’éclatement de cette affaire de pots-de-vin de 200 millions d’euros, et le neveu de Mohamed Bedjaoui, ancien ministre algérien des Affaires étrangères. Il s’agit de Farid Bedjaoui, un nom clairement cité dans le rapport de l’enquête, a indiqué ce journal qui a consacré un long article à cette affaire qui s’étend de plus en plus à la maison mère ENI. Sous le titre évocateur «Here’s How the Algerians Were Paid» (voici comment les Algériens étaient payés), ce journal revient dans le détail sur cette enquête qui touche de plus en plus de personnalités connues sur la scène algérienne. Les enquêteurs ont, en effet, constaté que Debora Somaschini, petite-fille de l’épouse de Pietro Varone, Regina Picone, a travaillé au sein de l’entreprise OGEC, appartenant à Farid Bedjaoui et son frère. «OGEC a obtenu plusieurs marchés de sous-traitance de Saipem», a souligné le journal italien.
Verona-Bedjaoui connexion
«Lors de la perquisition du domicile de Pietro Varone, le 1er décembre 2012, Debora Somaschini a été surprise tenant un sac contenant des documents sur Saipem et Varone, ainsi qu’une somme d'argent. Nous apprenons également que Somaschini a dit qu'elle venait de recevoir la valise de la part de sa tante Regina Picano. Parmi les documents trouvés dans la valise, il y avait des formulaires pour l’ouverture d’un compte détenu conjointement dans une banque à Beyrouth. Les détenteurs auraient été Mme Picano et Farid Bedjaoui», a souligné Il Solo 24 Oro. Une affaire qu’il juge «pas tout à fait claire». Le journal évoque ainsi un intérêt commun entre Farid Bedjaoui et la famille Varone qui concerne l'Azienda Agricola Ager Falernus Srl, dont Pietro Varone est formellement administrateur. Une grande société de production de vin traditionnel, fondée en 2008 dans la province de Caserte. La société compte 40 hectares dont une douzaine a été consacrée à la vigne au pied du mont Massico. D’après les éléments de l’enquête fournis par le journal italien, l'actionnaire majoritaire, avec une participation de 64% dans la société, est un certain Riva Reno. Farid Bedjaoui, quant à lui, détient 20%. Et Vincenzo Varone, le frère de Pietro, possède 8% des parts. Les enquêteurs ont découvert deux lettres parmi les documents de l'entreprise, l'une datant de 2009 et l'autre de 2012, dans laquelle l'actionnaire algérien a pris des engagements pour injecter des capitaux dans l'entreprise. Une sorte de subvention pour un total de 1,5 millions d'euros. Ce journal s’interroge sur ce qui aurait pu pousser Farid Bedjaoui à cofinancer cette société dont il ne détient que 20%. Il se demande également qu’est-ce qui aurait pu justifier la détention d’un compte bancaire avec la femme de Verona au Liban.
Sociétés écrans
«Ce que nous avons pu vérifier est que le 17 octobre 2007, Pietro Varone a signé un contrat de courtage avec ses partenaires de Pearl Ltd, une entreprise appartenant à Farid Bedjaoui». Ce contrat prévoyait, précise le journal, des commissions sur tous les contrats que signeraient Saipem avec l’Algérie. Des commissions allant de 2,5% à 3% quand la valeur du marché dépasse 1 milliard d’euros. «Depuis, Saipem a signé des contrats multiples en Algérie. En juillet 2008, pour 2,8 milliards d'euros, un autre en mars 2009 pour 1,85 milliard de dollars, en mai de la même année, un autre de 200 millions d'euros et un autre en juin pour 580 millions de dollars», écrit le journal italien. «Ce déluge de contrats en Algérie a été régulièrement suivi par le paiement de frais de commission que Saipem versait à Pearl sur des comptes bancaires aux Emirats arabes unis. En plus de la société mère italienne, Pearl a été payée par les filiales françaises et portugaises de Saipem. On estime que le Groupe Saipem a transféré environ 200 millions d'euros», rapporte encore le journal. L’enquête du procureur de Milan s’étend à la maison mère de Saipem, à savoir ENI. Elle touche également certains pays comme la Suisse et la France. Cette grave affaire de malversations risque de provoquer de graves conséquences économiques pour ce groupe italien. Affaire à suivre.
Sonia B.
Comment (11)