Cheikh Imran Hosein à Algeriepatriotique : «Les trois causes de notre échec» (VI)
Algeriepatriotique : Selon vous, pourquoi les penseurs musulmans ne fournissent-ils pas d’efforts pour comprendre et expliquer ces sujets ?
Cheikh Imran Hosein : Premièrement, parce que les institutions de formation islamiques sont fossilisées. Un jour, l’université d’Al-Azhar se réveilla, se frotta les yeux, regarda vers le bas et vit quelque chose d’étrange. Qu’est-ce que c’est que ça ? D’où ça sort ? C’était l’université du Caire qui avait été conçue et instituée pour relever le plus grand défi face à la plus grande institution d’enseignement islamique dans le monde musulman. Le modèle laïque moderne de l’université du Caire a été fondé par Ad-Dajjâl, et il devait défier le savoir religieux dans une (logique de) rivalité avec d’énormes conséquences pour le monde islamique entier.
L’université d’Al-Azhar n’a pas réussi à répondre à cette défiance depuis la création de l’université du Caire jusqu’à la chute du roi Farouk et la révolution égyptienne qui amené Djamel Abdenasser au pouvoir. Par conséquent, Al-Azhar n’a pas pu opposer une résistance crédible quand le gouvernement nationaliste laïc égyptien prit le contrôle de cette université et la réduisit à une simple caisse de résonance, approuvant sans discuter. L’université d’Al-Azhar a été incapable de résister parce qu’elle n’a pas compris l’enseignement moderne auquel elle devait faire face. Elle n’avait même pas la méthodologie qui lui eût permis d’étudier ce nouvel enseignement ; elle n’avait donc pas la capacité d’assimiler le monde imposé par la civilisation occidentale moderne.
La raison pour laquelle Dieu m’a gratifié d’un modeste savoir pour comprendre le monde d’aujourd’hui revient à mon vénéré précepteur, Dr Muhammad Fadlur Rahman Ansari (Dieu ait son âme), qui avait reconnu cette lacune dans l’éducation islamique et qui a réagi par la création d’une institution d’études islamiques au Pakistan pour y remédier. J’ai fréquenté cette institution où j’ai eu à étudier, par exemple, la philosophiede l’Histoire. J’ai eu un éminent professeur dans cette matière, comme j’ai eu d’éminents professeurs dans d’autres matières, telles que la philosophie de la science.
Mais plus important que cette initiation à l’enseignement moderne, il y avait (surtout) la méthodologie qu’il m’a inculquée en utilisant le Coran et le hadith pour évaluer le savoir qui nous est parvenu d’Occident et (savoir) distinguer entre ce qui est valable et ce qui ne l’est pas. Quand j’ai obtenu mon diplôme de cette institution, je suis retourné à Trinité-et-Tobago et j’ai adressé une demande d’emploi au ministère des Affaires étrangères. J’ai subi un entretien et on m’a dit que j’étais accepté mais que je devais (d’abord) retourner à l’université pour étudier les relations internationales. Alors, j’ai obtenu une bourse pour poursuivre des études post-graduées en relations internationales. La classe était peu nombreuse et comptait dans ses rangs «la crème de la crème», comme disent les Français. Les étudiants étaient issus des universités françaises (Sorbonne), de l’Ecole d’économie de Londres et des universités américaines et canadiennes. J’étais le seul étudiant détenteur d’un diplôme pakistanais. Aussi, me regardait-on par-dessus l’épaule. C’était un cursus d’une année d’études intensives. C’était la première fois que j’étudiais la politique et l’économie internationales, lesquelles études comprenaient l’économie monétaire internationale, la loi internationale, la diplomatie, etc. ; des spécialités que je n’avais jamais étudiées auparavant. Dans ma classe, il y avait un diplômé de l’Ecole d’économie de Londres – il avait un master –, mais à la fin de l’année, j’étais classé premier aux examens et j’ai même dépassé le diplômé de l’Ecole de Londres à l’examen d’économie internationale.
Comment peut-on expliquer ce succès ? Comment se peut-il que le détenteur d’un master en philosophie obtenu à l’université de Karachi et d’un diplôme reçu d’un institut d’études islamiques, qui plus est n’a jamais étudié ces matières auparavant, ait pu être major de promotion dès les premiers examens, dans une classe qui comprenait des diplômés d’universités britanniques, américaines et canadiennes, et dont certains exerçaient déjà la fonction de diplomate ?
L’explication réside dans le fait que j’avais un avantage sur eux. J’avais le Coran alors qu’eux ne l’avaient pas et j’avais la sagesse et l’exemple du prophète Mohamed (QSSL) tandis qu’eux en étaient dépourvus. J’ai réussi parce que mon précepteur m’a forgé de sorte à être capable d’utiliser le Coran et le hadith selon une méthodologie spécifique pour étudier le monde aujourd’hui. Or, nous n’avons pas cela dans nos institutions d’apprentissage islamique.
Deuxièmement, l’échec de l’enseignement islamique est dû au fait que nos meilleurs cerveaux doivent s’exiler aux Etats-Unis, en Allemagne, en France, etc. Les meilleurs s’inscrivent au MIT, Massachusetts Institute of Technology, à la Sorbonne… Et ceux (en Algérie, ndlr) qui ne peuvent pas aller dans les meilleures universités à l’étranger s’inscrivent dans les plus grandes universités algériennes. Quant à ceux qui ne peuvent s’inscrire nulle part ailleurs, ils choisissent d’étudier l’islam. C’est la triste vérité.
Enfin, il y a le fait que l’enseignement islamique n’est pas une source de gain. Il assure juste un emploi comme imam dans une mosquée ; c’est tout. Vous toucherez un salaire de misère et devrez entretenir votre famille. Vous serez prêts à faire tout pour ne pas perdre votre travail à cause de votre précarité et, de ce fait, vous danserez sur n’importe quel rythme. Quand les penseurs musulmans se seront affranchis du besoin et auront recouvré l’intégrité scientifique, alors ils pourront se lever pour proclamer la Vérité sans se soucier des conséquences. Si moi je peux faire cela, c’est parce que, Dieu soit loué, je vis de mes livres et cela nous suffit mon épouse et moi pour survivre. Si nos savants musulmans pouvaient avoir cette indépendance pécuniaire, ils pourraient rassembler le courage et l’intégrité pour se lever et proclamer la Vérité. Je vous ai donc donné les trois raisons de cet échec. Je prie (Dieu) pour qu’aussi bien parmi mes élèves algériens que tous les autres Algériens, il puisse émerger des penseurs de demain qui restaureront le respect pour les musulmans et pour l’islam dans le monde. Âmîn !
Interview réalisée par Mohamed El-Ghazi et M. Aït Amara
I- «Les musulmans doivent cesser d’utiliser le dollar»
II- «Les sionistes ont planifié le printemps arabe depuis longtemps»
III- «Les sionistes ne laisseront pas l’Algérie demeurer stable»
IV- «Ce qui se passe en Syrie a été prédit par le prophète Mohamed»
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