Ennahdha prêt à céder les portefeuilles de souveraineté : les islamistes reculent-ils en Tunisie ?
Les islamistes tunisiens ont annoncé, mercredi, céder les ministères de souveraineté à des indépendants, acceptant ainsi une revendication clé de la classe politique et ouvrant la voie à la mise en place d'un nouveau gouvernement pour sortir le pays d'une profonde crise. «Nous confirmons la neutralisation des quatre ministères de souveraineté, le ministère de l'Intérieur y compris sera sous une personnalité hors des partis politiques», a déclaré Rached Ghannouchi, le chef d'Ennahdha, à l'antenne de la radio privée Kalima. Selon lui, l'annonce du nouveau gouvernement pourrait dès lors intervenir «à la fin de la semaine». Actuellement, Ennahdha dirige les ministères de l'Intérieur, de la Justice et des Affaires étrangères. Le quatrième, celui de la Défense, est contrôlé par un indépendant, Abdelkarim Zbidi, en fonction depuis janvier 2011, et le mouvement de contestation qui a fait chuter le régime de Zine El-Abidine Ben Ali. Le parti islamiste, après avoir longtemps résisté, cède ainsi à une revendication de la quasi-totalité de l'opposition et de ses partenaires «laïques» au gouvernement, Ettakatol et le Congrès pour la République (CPR) du président Moncef Marzouki. «Nous voyons que c'est dans l'intérêt de la Tunisie que le gouvernement, dans la période transitoire et pour la période à venir, réunisse les islamistes et les laïcs (…) même si nous sommes majoritaires», a encore dit M. Ghannouchi. Il est clair que cette concession tactique du mouvement islamiste, au pouvoir depuis octobre 2011, est destinée à juguler le puissant mouvement de contestation qui commençait à monter dans la société et qui a culminé lors de l’assassinat du leader politique de gauche, Chokri Belaïd, le 6 février dernier. Tous les segments de l’opposition s’étaient ligués contre l’ordre islamiste qui, de l’avis unanime des observateurs, a encouragé les courants fondamentalistes les plus radicaux. Or, sur le fond, Ennahdha détient les principaux leviers du pouvoir, avec la nomination d’un «faucon» du mouvement, Ali Larayedh, ancien ministre de l’intérieur, à la tête du nouveau gouvernement, dont la mission principale se limiterait officiellement à gérer une période de transition, mais qui, dans les faits, s’attellera à mettre en œuvre les orientations que va adopter, bientôt, l’Assemblée constituante, qui reste dominée par les islamistes.
R. Mahmoudi
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