Etrange aveu du secrétaire d’Etat John Kerry sur la politique étrangère des Etats-Unis
Le discours du nouveau secrétaire d’Etat américain, John Kerry, a de quoi surprendre. Dans une intervention devant un parterre d’étudiants à l’université de Virginie, Kerry nous apprend que «beaucoup de gens sur l’ensemble (des Etats-Unis) aimeraient que la mondialisation puisse simplement disparaître». «Alors, note-t-il avec une pointe de nostalgie, vous vous rappelez des jours plus faciles, mais aucun politicien, peu importe sa puissance, ne peut remettre ce génie dans la bouteille.» Kerry avoue, par ailleurs, que contrairement à ce que d’aucuns pourraient croire, le budget dédié à la « protection» des intérêts des Etats-Unis à l’étranger est infime : «Je rejoins le président Obama pour affirmer avec urgence que nos citoyens méritent une politique étrangère forte pour protéger nos intérêts dans le monde.» «Lorsque je parle d'un petit investissement dans la politique étrangère des Etats-Unis, je ne plaisante pas», martèle le successeur d’Hillary Clinton, avant de revenir sur le budget réservé pour les affaires internationales : «La plupart des gens l’ont estimé à 25% de notre budget national et ils pensaient qu'il devrait être réduit à 10%. Laissez-moi vous dire, si seulement c’était vrai !» Et d’ironiser : «Je prendrais 10% en un clin d'œil parce que 10%, c’est exactement dix fois plus que ce que nous investissons dans nos efforts visant à protéger les États-Unis dans le monde.» L’ensemble du budget américain pour les affaires étrangères représente un peu plus d’un pour cent du budget national de la première puissance mondiale. Insuffisant, estime Kerry. Autre révélation importante, l’envoi de soldats américains pour se faire tuer en Irak, en Afghanistan et au Pakistan est le fait de politiciens en quête de voix et d’applaudissements : «Si vous êtes à la recherche d'une phrase qui fait applaudir, cette phrase (demander de baisser le budget, ndlr) est à peu près la meilleure garantie qu’il y ait. Mais devinez quoi ? Elle ne garantit pas qu'un autre jeune homme américain, ou jeune femme, n’aille pas perdre sa vie parce que nous n'étions pas prêts à faire les bons investissements ici, en premier lieu.» «Nous avons appris cette leçon dans les déserts du Mali récemment, dans les montagnes d'Afghanistan en 2001, et dans les zones tribales du Pakistan même aujourd'hui», argumente l’ancien candidat à la Maison-Blanche.
Prochaine cible américaine : l’Afrique
Le secrétaire d’Etat américain n’y va par trente-six chemins pour faire part des craintes de Washington quant à l’élargissement de l’influence chinoise, notamment dans le riche continent africain : «Sept des dix pays au taux de croissance le plus rapide se trouvent sur le continent africain. Et la Chine, qui a compris ça, investit déjà plus que nous, là-bas.» Kerry explique que «quatre des cinq plus grandes découvertes en pétrole et en gaz naturel ont eu lieu au large des côtes du Mozambique rien que l'an dernier» et qu’il ne faut donc surtout pas rater le coche car «les économies en développement sont les épicentres de la croissance et elles sont ouvertes pour les affaires, et les Etats-Unis doivent être au rendez-vous». S’agissant de l’interventionnisme américain dans les pays étrangers – du tiers-monde s’entend –, John Kerry avoue à demi-mot que l’USAID est une officine des services secrets américains qui fait «du bon travail» : «Nous savons que le moyen le plus efficace de promouvoir les droits universels de tous les peuples, les droits et la liberté de religion, n'est pas depuis le pupitre (…) c'est depuis les lignes de front – partout où la liberté et la dignité humaine fondamentale sont refusées. (…) Les employés courageux du Département d'Etat et de l'USAID – et le personnel de sécurité diplomatique qui protège les civils travaillant pour nous, à l’étranger – travaillent dans certains des endroits les plus dangereux de la planète.» Pour Kerry, ces «travailleurs» sont «très conscients du fait que, selon notre propre expérience, il faut beaucoup de temps pour faire régner la démocratie et que cela se produit rarement tout de suite.» Comprendre que les ONG affiliées à cette institution dans nos pays ont du pain sur la planche. Enfin, Kerry revient sur le rôle échu à son pays dans le monde. Les Etats-Unis sont le gendarme autoproclamé de la planète, confirme le secrétaire d’Etat : «Nous allons continuer à prendre la tête de file en tant que nation indispensable, non pas parce que nous cherchons ce rôle, mais parce que le monde a besoin que nous l’assumions. Non pas comme un choix, mais comme une responsabilité. Non pas parce que nous le considérons comme un fardeau, mais parce que nous savons qu'il s'agit d'un privilège.» Car, arrogance américaine oblige, «c'est ce qui fait que les Etats-Unis d'Amérique sont uniques», dixit John Kerry qui a entamé un long périple en Europe et au Moyen-Orient.
Lina S.
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