Noam Chomsky à Algeriepatriotique : «Tant que l’Algérie ménage les desseins américains, elle devient acceptable»
Algeriepatriotique : Aux Etats-Unis, les présidents changent mais la politique belliciste est toujours la même. Qui dirige ce pays ?
Noam Chomsky : Le pouvoir exécutif prend les décisions. Le Congrès a un rôle secondaire. Par ailleurs, le poids du pouvoir économique concentré est très influent, bien qu’il ne soit pas toujours décisif. La population exerce une petite influence marginale, hormis les plus riches et les privilégiés.
Algeriepatriotique : Aux Etats-Unis, les présidents changent mais la politique belliciste est toujours la même. Qui dirige ce pays ?
Noam Chomsky : Le pouvoir exécutif prend les décisions. Le Congrès a un rôle secondaire. Par ailleurs, le poids du pouvoir économique concentré est très influent, bien qu’il ne soit pas toujours décisif. La population exerce une petite influence marginale, hormis les plus riches et les privilégiés.
La politique étrangère américaine semble focalisée quasi-exclusivement sur le monde arabe. Le pétrole est-il la seule raison ?
Cela dépend de la période. Les plus grandes guerres que les Etats-Unis ont eu à mener, depuis la Seconde Guerre mondiale, avaient eu lieu en Asie du Sud-Est. L’Amérique latine a subi des interventions militaires et actes de subversion jusqu’au moment où ce continent a commencé à se libérer, il y a une dizaine d’années. Il s’agit, là, d’événements d’importance historique. Plus récemment, le monde arabe est devenu une cible majeure en raison des menaces sur le contrôle américain des énormes réserves énergétiques dont dispose cette région.
Depuis la guerre du Vietnam, les Etats-Unis ne cessent de s’embourber dans des conflits inextricables (Irak, Afghanistan). S’agit-il d’une politique délibérée de Washington ou bien d’erreurs stratégiques répétées ?
Non, on ne peut parler d’erreur en l’espèce, même s’il est vrai que, parfois, les politiques accusent des échecs. Il existe des raisons solides pour chacune de ces actions, au cas par cas.
L’Algérie avait combattu le terrorisme durant deux décennies alors qu’elle était soumise à un embargo sur les armes, abandonnée par les puissances démocratiques et isolée sur la scène internationale. Aujourd’hui, les Etats-Unis se disent convaincus que l’Algérie est en première ligne dans la lutte contre le terrorisme. Pourquoi ce changement ?
Ce n’est pas exactement la position américaine. Tant qu’un pays – l’Algérie ou un autre – ménage les desseins des Etats-Unis, il devient acceptable. On pourrait dire la même chose de Kadhafi jusqu’au moment où il avait été décidé de le déposer en faveur d’un gouvernement dont on supposait qu’il allait être plus fiable.
Les observateurs évoquent ce qu’ils appellent la «dictature des médias». Dans ce tourbillon médiatique, les masses pourront-elles distinguer ce qui est bien de ce qui ne l’est pas ?
La même capacité qu’elles ont toujours eue. Ceci requiert du temps et de l’effort, mais ce n’est pas impossible et beaucoup de gens y arrivent, à des degrés différents. En tout cas, on ne peut pas faire cavalier seul : lorsque les gens conjuguent leurs efforts vers un but partagé, ils réussissent en général, même lorsque la tâche est complexe.
Les pays occidentaux traversent une grave crise économique et financière. Certains analystes y voient la fin d’un cycle du capitalisme et l’entame de son déclin. Qui gouvernera le monde désormais ?
Effectivement, les Etats-Unis sont en déclin et ce déclin a commencé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Bien que nous assistions à une multipolarisation du monde, aucun pays pour l’heure n’émerge pour prendre le rôle d’hégémonie mondiale. Quant au «capitalisme», tout dépend du sens que l’on donne à cette notion vague. Certes, les Etats-Unis sont considérés comme l’Etat capitaliste par excellence même si le système économique compte dans une large mesure sur l’intervention étatique dans des domaines aussi divers que la créativité et l’innovation, la protection des grandes concentrations capitalistiques. Mais le système économique reste largement sous monopoles et les marchés sont fragilisés – tous facteurs qui l’éloignent des modèles théoriques du «capitalisme».
Interview réalisée par Mohamed El-Ghazi et M. Aït Amara
Comment (22)