Lettre au président de la République
Monsieur le Président,
Monsieur le Président,
Nous sommes en 2013, et les hydrocarbures conditionnent encore l’avenir de notre pays, puisque notre politique de développement est basée jusque-là exclusivement sur la rente pétrolière. Il y a quelques jours, nous avons commémoré le 42e anniversaire de leur nationalisation. C’est presque un demi-siècle de gestion par nous-mêmes de cette ressource sans égale. Et c’est aussi presque un demi-siècle de patinage et de marasme économique que nous vivons, puisqu’aujourd’hui encore, on parle ici et là «d’économie désarticulée», «d’anarchie», «d’économie de bazar», etc. Beaucoup de responsables algériens doivent faire leur mea culpa et se remettre en question. Ils doivent avant tout garder les pieds sur terre en se considérant comme des citoyens faisant partie du peuple, et non des mégalomanes d’une toute autre dimension «les élites intouchables». Ils s’efforceront surtout à être des modèles pour les générations futures. Pour ce faire, ils n’y a pas trente solutions : il va falloir tout simplement s’impliquer honnêtement, s’appliquer et s’imprégner d’éthique professionnelle.
Monsieur le Président,
Vous avez, entre autres, cette mission de faire changer les mentalités et les choses dans notre beau pays. N’est-ce pas que des actes réellement répréhensibles se perpétuent en ce moment même sous votre leadership, notamment dans ce secteur névralgique ? Et c'est ce pourquoi je me permets de vous écrire.
J’ai souvent entendu dire que «quand les gros profits frappent à la porte, l’éthique et la morale s’enfuient par la fenêtre tandis que la corruption et la magouille s’installent». Je n’avais pas cru alors ; mais la réalité a fini par me rattraper, puisque c’est exactement ce que nous vivons, ce que nous voyons et ce que nous lisons chaque jour dans notre pays.
Monsieur le Président, avec tous mes respects,
Notre pays est envahi par des «asticots de tous genres». Ces mouches qui habituellement se rencontrent sur les bouses de vache, se sont rapidement émancipées pour se réunir dans des palaces et somptueuses suites parisiennes, montréalaises, londoniennes… afin de planifier la mort de nous autres communs des mortels et se servir de nos corps, comme nourriture, une fois ces derniers décomposés. N’est-ce pas que pour beaucoup d’Algériens, l’affaire Farid Bédjaoui est une autre affaire de plus ? Oui, elle est «la goutte de trop», dans un pays étranglé par une rigueur historique, de lourds sacrifices sociaux, un chômage à plus de 40 %, la fuite de ces meilleurs cadres vers l’étranger et j’en passe. En rapport avec ce scandale, je vous fais savoir que les autorités canadiennes ont déjà émis des mandats d’arrêt à l’encontre de certaines personnalités, dont un haut responsable du renseignement (source : quotidien canadien The Globe and Mail).
Monsieur le Président,
Les Algériens sont soumis, depuis longtemps, à un parcours du combattant avec une succession d’interminables obstacles. Doivent-ils rester cois et farouches ou encore comme de mauvais gobeurs, et demeurer des spectateurs de leur pays qui s’effrite petit à petit, jusqu’à disparaître totalement ? Doivent-ils applaudir ces «recordmen» du vol, de la triche et du détournement des deniers publics ? Ceux-là mêmes qui sont l’une des plus grandes raisons, pour ne pas dire la raison principale de tous les maux et malheurs du pays ? Ils sont nombreux ces gens sans scrupules à qui on a confié de grandes responsabilités dans des secteurs importants et sensibles en même temps. La liste est certainement longue. Sinon, comment expliquer alors que des milliards de dollars, appartenant au peuple algérien, disparaissent dans la clandestinité chaque année ? Le nif, la horma et les sentiments d’antan, sont remplacés par la hogra, l’argent, le matériel et l’immobilier de luxe, aujourd’hui dans notre pays. La politique du «laisser-faire et laisser-aller», sans demander des comptes, sans juger, sans sévir… équivaut tout simplement à cautionner l’anarchie qui y règne et surtout à préparer tranquillement une bonne partie de notre relève, à devenir des employés serviles, des meneurs d'hommes impitoyables, des margoulins, des escrocs et des voleurs.
Monsieur le Président,
C’est pour toutes ces raisons que beaucoup d’enfants de bonne famille, beaucoup d’intellectuels, beaucoup de jeunes diplômés, ayant l’Algérie à cœur, quittent le pays pour le Canada, la France, le Royaume-Uni, etc. Non ! Ce n’est pas par choix volontaire, c’est parce qu’ils sont mieux considérés et plus respectés ailleurs que chez eux. Et quoi que les mauvaises langues en disent, ils n’oublieront jamais leur pays, ils aiment leur pays, ils sont jaloux de leur pays, ils défendent bec et ongles leur pays. Mais ils refusent de revenir pour admirer de nouveau et revivre encore l’injustice, les passe-droits, le deux poids deux mesures etc. Oui, j’en suis un de ceux-là, moi aussi. Je cautionne et partage totalement leur point de vue ; parce qu’en autres, ils attendent de voir notre pays appliquer la «loi au-dessus de tous». Ils attendent de voir notre pays mettre tous les Algériens sur la même ligne de départ pour plus d'égalité de chance. Ils attendent aussi un vrai partage des richesses du pays entre l’ensemble de ses citoyens.
Monsieur le Président.
N’est-il pas nécessaire de mettre sur pied un «organisme professionnel indépendant chargé des enquêtes économiques et financières» en parallèle avec la Cour des comptes, et qui aura pour mission de suivre, d’enquêter et de scruter à la loupe, tous les projets et/ou marchés dont le coût dépasse la barre du million de dollars. Encore là, faudra-il trouver des hommes intègres, qui seront appelés à le piloter !
Monsieur le Président,
Antoine de Saint-Exupéry disait que l’avenir n’est pas à prévoir, mais qu’il est à bâtir. C’est là très exactement notre vision des choses, et nous voulons des responsables bâtisseurs de l’avenir – l’avenir pour tous.
Je comprends votre désir ardent à aller de l’avant pour une rapide sortie de la crise avec le minimum de risques possible. Je comprends que vous voulez lutter contre toutes les causes de dégénérescence. Je comprends aussi que vous faites face à des «obstacles» qui vous rendent toutes ces tâches compliquées. Je vous souhaite bonne chance.
Je dois surtout vous remercier de m’avoir lu et de m’avoir compris.
Ahcène MOUSSI, président de l’Association migrants Canada, à Montréal
[email protected]
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