Rapport d’Amnesty sur la Syrie : une réponse à Fabius ?
Amnesty International s’invite dans le débat qui divise actuellement les puissances occidentales entre partisans d’une solution politique et négociée (Washington et Moscou) et jusqu’au-boutistes (Paris et Londres), et tente de rééquilibrer les tendances, en accusant les deux parties en conflit de crimes de guerre. On peut s’interroger sur cette coïncidence frappante avec la publication, le jour même, d’une tribune de Laurent Fabius dans le journal Libération (voir notre article, par ailleurs), où le chef de la diplomatie française use des mêmes arguments pour justifier sa décision unilatérale d’armer les milices de l’opposition. Ainsi, Amnesty écrit : «Les recherches menées par l'organisation en Syrie au cours des deux dernières semaines confirment que les forces gouvernementales continuent de bombarder sans discernement les civils, en faisant fréquemment usage d'armes interdites au niveau international, qui réduisent à néant des quartiers entiers. Les prisonniers qu'elles détiennent sont systématiquement soumis à la torture, aux disparitions forcées ou aux exécutions extrajudiciaires.» Mais à la différence du discours univoque de Laurent Fabius, AI nuance son analyse et rappelle les exactions commises par les groupes dits d’opposition : «Quant aux groupes armés de l'opposition, y est-il écrit, ils recourent de plus en plus aux prises d'otages, ainsi qu'à la torture et aux exécutions sommaires de soldats, de miliciens favorables au gouvernement et de civils capturés ou enlevés.» «Nos recherches appellent l'attention sur la multiplication des exactions imputables aux groupes armés d'opposition», a déclaré Ann Harrison, directrice adjointe du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d'Amnesty International. Le rapport témoigne d’autres cruautés déjà rapportées par des médias, qu’on soupçonnait alors de servir la cause du régime en place : «Dans un secteur au sud de Damas, des témoins ont décrit un "trou de la mort" : les forces armées de l'opposition y auraient jeté les corps des combattants pro-gouvernementaux et des informateurs présumés du régime qu'elles ont exécutés.» L’ONG reviendra sur une histoire qui a provoqué l’émoi dans la ville de Homs, il y a quelques semaines, où un homme accusé d'être un collaborateur avait été retrouvé après avoir été exécuté par un groupe d'opposition. Et Amnesty International de conclure : «Si elles ne sont pas contrées, ces pratiques risquent de s'ancrer encore davantage. Il est impératif que toutes les personnes concernées sachent qu'elles auront à répondre de leurs actes.» Message qui s’adresserait aussi bien aux belligérants qu’à leurs soutiens.
R. Mahmoudi
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