Belkacem Sahli à Algeriepatriotique : «Les pays qui refusent le visa encouragent l’émigration illégale» (III)
En Europe, notamment en Grande-Bretagne, les Algériens se plaignent de leur marginalisation par les différents consulats algériens. Y a-t-il une «exception britannique ?
Nous faisons tout ce que nous pouvons pour y remédier. Actuellement, nous nous efforçons d’améliorer les conditions d’accueil. Mais il faut comprendre que cette amélioration passe inexorablement par deux phases. D’abord, l’amélioration des sièges consulaires. Nous avons constaté que certains sièges consulaires n’ont pas été agrandis depuis leur acquisition, c’est-à-dire quand le nombre des ressortissants ne dépassait pas deux ou trois mille. Alors que, de nos jours, un consulat gère entre 150 et 160 000 administrés, soit l’équivalent d’une wilaya. Il est clair que le manque d’espace affecte la qualité des services et de ce fait, un projet a été lancé depuis deux ans, pour l’acquisition de nouveaux sièges pour les consulats et les ambassades. J’ai moi-même visité notre consulat à Londres et j’ai pu constater de visu que les conditions d’accueil ne sont pas satisfaisantes. Nous sommes en quête d’un nouveau siège qui convienne à l’accueil de notre forte communauté établie en Grande-Bretagne afin de lui offrir des conditions d’accueil convenables. La seconde phase consiste en la formation de nos représentants et une augmentation des effectifs. A l’occasion du lancement du passeport biométrique, j’ai constaté que certains consulats nécessitaient une réorganisation des ressources humaines. Il faut recruter des informaticiens et, surtout, injecter du sang neuf en employant des jeunes qui maîtrisent les langues arabe, française et anglaise pour qu’ils puissent répondre de manière efficace aux sollicitations de nos ressortissants. Cela sera accompli au fur et à mesure.
On parle aussi de carence dans la prise en charge juridique de nos ressortissants…
Il y a dans chaque consulat des agents consulaires en charge des affaires juridiques et sociales. Avec la croissance de notre communauté à l’étranger, ses problèmes et ses préoccupations ont donc augmenté aussi. Nous mettons en place dans chaque consulat une section qui se charge de ces questions. Bien entendu, quand des affaires dépassent les compétences du consulat, nous recourons à nos avocats et conseillers pour intervenir à leur tour.
Quel est l’apport de l’émigration algérienne au développement du pays, comparativement à un pays comme le Maroc, par exemple ?
Nous sommes en train de mettre en place un nouveau mécanisme s’agissant de notre communauté à l’étranger, lequel mécanisme ne consiste pas à exiger une contrepartie. Il est vrai que tout Algérien, où qu’il se trouve, a le droit d’exiger de l’Etat qu’il lui fournisse des services. L’Etat ne conçoit pas les choses en termes d’exigence non plus. Une grande partie de notre communauté établie à l’étranger peut contribuer au projet de développement national par l’investissement, l’épargne, etc. Un grand nombre de nos ressortissants demande que l’Etat acquière des banques à l’étranger. Nous sommes en train d’étudier cette possibilité mais, pour le moment, rien n’empêche les Algériens de mettre leur argent dans des banques qui possèdent des filiales en Algérie. Nous misons aussi sur nos compétences installées à l’étranger. Nous avions, pour cela, initié des universités d’été à l’occasion desquelles nous faisions appel aux compétences algériennes pour assurer des formations accélérées au profit d’universitaires algériens. A travers le nouveau portail web du ministère, nous explorons d’autres moyens pour intégrer cette richesse dans le projet de développement national. Notre communauté à l’étranger est une partie intégrante de la nation. Elle est mue pas un sentiment de patriotisme élevé ; elle répond présent à tous les événements importants organisés par le pays et cherche à tout prix à se rendre utile pour la patrie. Dans le même temps, nos ressortissants installés à l’étranger ont besoin de sentir que leur Etat les protège. Aussi, notre mission première consiste à leur procurer la sécurité et à leur fournir les conditions appropriées pour qu’ils puissent contribuer au développement du pays.
Concrètement, à combien se chiffre l’apport financier de notre émigration ?
Les chiffres des transferts bancaires de notre communauté ne sont pas énormes en comparaison avec d’autres pays. Nous aurions aimé que ce chiffre soit plus consistant, mais le problème est que les mécanismes de rapatriement de ces fonds n’existent pas. L’Algérien, qu’il soit à l’intérieur ou à l’extérieur du pays, à tendance à se méfier de tout ce qui est «officiel». Nous travaillons à changer cette mentalité. Il faut que nous réussissions à rétablir la confiance du citoyen en ses dirigeants. Quand le citoyen sentira que l’Etat est véritablement à son service, il s’en suivra une symbiose entre l’Etat et le citoyen.
Un chiffre ?
Je ne peux vous donner aucun chiffre, parce que le secrétariat d’Etat ne gère pas ce genre de détails techniques. Le ministère des Finances peut vous donner les chiffres exacts.
Vous devez sûrement en avoir une idée…
Oui, mais pas une idée chiffrée. Ce que je puis vous dire, c’est que nous ne sommes pas satisfaits de cet apport par rapport aux capacités réelles de notre communauté émigrée qui sont de loin plus importantes que ce qui existe actuellement.
La nette amélioration du standard de vie des Algériens ces dernières années, malgré quelques problèmes persistants, a-t-elle ralenti la vague d’émigration des années 1990 ?
L’émigration ne suit plus la même courbe ascendante d’il y a quelques années. Avant la Révolution et après l’Indépendance, les gens partaient à l’étranger à la recherche d’un travail. Ensuite, vint le tour d’une émigration pour l’acquisition du savoir. Dans les années 1990, ce fut le tour d’une émigration d’un tout autre genre. Les Algériens fuyaient le terrorisme. A présent, la situation s’est stabilisée.
Y a-t-il un retour massif de nos exilés ?
Effectivement. Nous vivons actuellement une situation inverse, tant les émigrés ont plutôt tendance à vouloir rentrer au bercail. Certes, ils ne sont pas très nombreux pour le moment, mais beaucoup d’investisseurs et d’intellectuels veulent retourner en Algérie, parce que le pays a retrouvé une certaine stabilité aussi bien sur les plans économique et politique que sécuritaire. La situation sociale des Algériens s’est énormément améliorée. Un gigantesque programme d’investissement public est engagé et autant de programmes de développement qui font que l’Algérie attire de plus en plus les investissements directs étrangers. Tout ceci favorise le retour des Algériens chez eux.
Des Algériens ont subi un traitement humiliant dans des aéroports étrangers. L’Etat n’a réagi qu’après que la presse s’en est fait l’écho. Pourquoi cette réaction tardive ?
L’Etat ne fermera jamais les yeux sur tout ce qui est de nature à attenter à la dignité d’un Algérien à l’étranger. Seulement, il faut savoir qu’une personne qui reçoit un visa d’un pays européen ne lui donne pas le droit d’entrer systématiquement dans ce pays. Et ceci est tout aussi valable pour les ressortissants étrangers détenteurs d’un visa algérien. Obtenir un visa ne signifie pas avoir le droit d’entrer dans un pays. Ce droit exige d’autres documents. Pour se faire établir un visa de l’espace Schengen, les autorités du pays d’accueil exigent un certificat d’hébergement, une réservation d’hôtel et une assurance voyage. Or, il arrive que le voyageur oublie de fournir un de ces documents. Ceci, indépendamment des intentions du pays qui a refoulé ces ressortissants dont vous venez de citer le cas. Quoi qu’il en soit, il faut savoir que sur le plan juridique, les procédures d’obtention d’un visa sont justifiées. Dans ce cadre, nous avons établi un axe sur lequel nous travaillons en ce moment. Il s’agit de pourparlers avec plusieurs pays européens et non européens au sujet de la convention sur la facilité de l’obtention du visa. Nous avons proposé à nos partenaires de faciliter les démarches pour l’obtention du visa, de sorte à limiter les tentatives d’émigration illégale. Quand un Algérien saura que le visa pour la France est relativement facile à obtenir, rien ne l’obligera à voyager clandestinement. Ce sont les pays qui compliquent les démarches d’obtention du visa qui créent indirectement un climat favorable à l’émigration clandestine. Le premier pays avec lequel nous avons signé une convention pour faciliter l’obtention du visa – dans les deux sens – est l’Espagne, lors de la récente visite du Premier ministre espagnol en décembre dernier. Des pourparlers sont en cours avec l’Allemagne, la Grande-Bretagne, la Suisse et la Belgique. A chaque fois, nous essayons de réduire le temps de réponse aux demandes de visa. L’inauguration du nouveau centre de visas (TLS) qui regroupe l’Italie et la France est intervenu après des pourparlers avec les deux pays et après qu’on a exigé l’amélioration de l’accueil de nos concitoyens. Nous n’acceptons plus que les ressortissants étrangers récupèrent leurs visas dans nos différents consulats dans de bonnes conditions au moment où nos concitoyens subissent l’humiliation des interminables queues. La France et l’Italie ont donc répondu à nos exigences. Nous avons demandé aussi le rétrécissement des délais de délivrance des visas et l’augmentation du nombre de réponses positives. L’Algérie répond positivement à 99% de demandes de visa émanant d’étrangers, alors que le pourcentage de refus de visas aux Algériens, dans certaines ambassades européennes, atteint 25% parfois. Nous travaillons à réduire ce chiffre.
Et les nombreux cas d’Algériens maltraités dans des aéroports étrangers ou injustement refoulés ?
Nous avons noté avec consternation, en effet, des cas de mauvais traitement, de refoulement parfois inexpliqué, subis par des Algériens dans certains aéroports étrangers. L’Algérie a envoyé un message fort à ses partenaires auxquels elle a expliqué qu’elle accordait une importance capitale à la dimension humaine dans ses relations avec les autres nations. Il ne s’agit pas seulement d’échanges économiques ou commerciaux. Autrement dit, si nous ne réglons pas les problèmes à caractère humain, nous n’accepterons plus de développer d’autres aspects.
Interview réalisée par Mohamed El-Ghazi
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