Algeriepatriotique revient sur la saga Khalifa depuis l’indépendance jusqu’à la chute de l’empire
Le peu de gens qui obtenaient d’être admis dans le sérail de Khalifa, l’homme sacré empereur et familier d’eux seuls, disent de lui qu’il a la grâce fade, l’esprit lourd et l’intelligence lente. Pourtant.
Le peu de gens qui obtenaient d’être admis dans le sérail de Khalifa, l’homme sacré empereur et familier d’eux seuls, disent de lui qu’il a la grâce fade, l’esprit lourd et l’intelligence lente. Pourtant.
Comment ce fils du tout premier ministre de l’Industrialisation et de l’Energie sous Ben Bella est-il arrivé aux affaires ? Parti d’une modeste fabrique – usine serait inadéquat – de médicaments, le golden boy algérien, comme le surnomment les médias français, arrondit sa fortune trop vite pour que cela passât inaperçu. Dépensant follement la nuit les bénéfices engrangés le jour, Khalifa aimait à se faire filmer arrivant en grand arroi au milieu de la jet-set parisienne dont il payait la présence aux dîners d’apparat et autres soirées mondaines, épatant le bourgeois et forçant la considération pour entraîner du beau monde dans la spirale. Payés sous le manteau pour jouer les boute-en-train, Gérard Depardieu et Catherine Deneuve – ce ne sont évidemment pas les seuls – sont éclaboussés par le scandale. Les deux acteurs de cinéma français, qui faisaient partie de la camarilla, ont fini par tomber dans les mailles de la justice fin 2004, soit à quelques mois de l’ouverture à Blida du procès qui devait faire date. L’implication des deux vedettes du septième art français a le mérite de soulever deux questions, au moins : la France aurait-elle étouffé l’affaire pour s’épargner un scandale dont elle se serait volontiers passée si celle-ci avait été cantonnée aux frontières algériennes ? L’Algérie aurait-elle, de son côté, glissé sur l’affaire si la France n’avait pas soulevé le lièvre ? Khalifa avait l’argent ; il lui manquait l’influence. Un peu comme Bernard Tapie, Silvio Berlusconi ou le milliardaire russe Mikhaïl Khodorovski, il s’imaginait aux commandes du pays, porté au pouvoir par une nomenklatura redevable, donc malléable à merci ; il se voyait conforté par les officines étrangères à travers ses relations tissées dans l’Hexagone à coup d’euros sonnants et trébuchants. Un rêve ? Non, un but !
La méthode est simple : chatouiller la concupiscence, exciter le penchant à la concussion, mouiller les cercles de décision et les personnalités publiques, se payer le dithyrambe des journalistes. Bref, acheter les consciences. L’hameçon avait failli accrocher mais le pêcheur, enivré par le succès, fit des vagues. La rumeur qui courait les rues sur l’origine de l’argent du pharmacien cessait d’être un simple ragot de café. Les pièces du puzzle se mettaient en place l’une après l’autre et les recoupements faisaient apparaître des irrégularités tellement criantes que les regards accusateurs se tournaient systématiquement vers les hommes du pouvoir. On mâchonne les noms de quelques pontes du système mais le scandale, ayant enflé, finit par prendre les allures d’une véritable affaire d’Etat.
Désormais, on ne se pose plus la question de savoir d’où Khalifa a puisé son pactole tant cela paraît dépassé. Les interrogations, après que le groupe eut mis 20 000 travailleurs sur la paille et un Etat dans l’embarras, tournent autour des ramifications de l’affaire à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Et, à ce sujet, il faut avouer que toutes les tentatives de trouver des réponses plausibles au stade actuel sont vaines. La meilleure preuve en est cette pléthore d’enquêtes réalisées par les médias internationaux qui semblent toutes tourner en rond.
Cette série d'articles ne prétend pas répondre à toutes les interrogations même si elle tente d’en élucider quelques-unes à travers des enquêtes et des témoignages soit de personnes qui ont fait partie de l’aréopage de Khalifa, soit de victimes qui, organisées en association, revendiquent leur dû désespérément. La vérité eut pu éclore d’un procès qui, pour sûr, a tenu tout un pays en haleine. Mais, c’est connu, dans ce genre d’affaires, les choses peuvent se corser au point que le sang pourrait couler, comme elles peuvent tourner à la mascarade. La première hypothèse, autant que la seconde, achèverait de compromettre un pouvoir qui peine à prouver sa bonne foi.
M. Aït Amara
Demain : Des grands faits de guerre aux petites misères de l’existence
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