Khalifa : ni Bon Samaritain ni médicastre (V)
On ne peut pas reprocher à Khalifa d’avoir voulu étendre l’activité héritée de son père à d’autres créneaux porteurs. Khalifa, en tout cas, ne croit pas trop à quelque puissance souveraine qui règle d’avance ce qui doit être. Le fatalisme, le défaitisme, ce n’est pas sa tasse de thé. Son courage plaît au point qu’il entraîne avec lui un noyau composé d’amis d’enfance et de gens qu’il a connus dans le milieu professionnel. Mais très peu de membres de sa famille apparaissent à ses côtés, hormis sa tante Djaouida Djazaerli qui fera une incursion médiatique aussi éphémère que tardive (voir plus loin). Mais, d’un autre côté, il est difficile de croire que Khalifa a eu, ne serait-ce qu’un instant, des visées humanistes à travers ses actions sensationnelles. Le choix de fabriquer un médicament générique peut paraître en soi comme un acte «magnanime», même si la finalité première est de faire des bénéfices. Il permet en tout cas à de larges populations d’accéder à un traitement médicamenteux efficace et peu cher. Sanofi-Aventis, le géant mondial de l’industrie pharmaceutique, dresse un constat amer : «1,8 milliard de personnes, dont 98% vivant dans les pays en voie de développement, n’ont pas accès aux traitements dont ils ont besoin. 80% des médicaments sont consommés par 20% de la population mondiale, essentiellement en Amérique du Nord, en Europe et au Japon. Les médicaments sont trop chers, les profits exagérés handicapant lourdement toute politique de santé publique. Les maladies dites "non rentables" sont négligées : seul 1% des 1 393 molécules sorties entre 1975 et 1999 concerne les maladies spécifiques des pays en voie de développement. Des traitements sont devenus tellement anciens que des résistances se sont développées et qu’ils sont devenus inefficaces.»
«Quel accès aux médicaments pour les populations les plus pauvres ? Comment sont fixés les prix de ces médicaments et leur implication dans le financement de la protection sociale ? Comment un gouvernement peut-il élaborer une ambitieuse politique de santé si l’industrie pharmaceutique va à son encontre ? Les questions ne manquent pas.» La création de Sanofi-Aventis est l’occasion de reposer cette question «pour qu’un certain nombre de produits – médicaments et vaccins – et de programmes ne disparaissent pas, mais au contraire se développent». Khalifa ne se posait pas trop cette question. Il ne compte pas marcher sur les plates-bandes de Mère Teresa ou de l’abbé Pierre. Khalifa a profité des tares d'un système. Il faut savoir que la fabrication du médicament générique en Algérie n’était gérée par aucun texte clair et précis. «Il faut ainsi établir un statut du médicament générique et imposer des fourchettes de prix par rapport aux médicaments princeps et déterminer précisément dans quelles proportions le prix du générique sera fixé par rapport aux princeps. En bref, il ne s’agit pas seulement de définir le générique par rapport à ses qualités de bioéquivalence, mais aussi de le définir économiquement», expliquait, alors, le président du Syndicat national algérien des pharmaciens d’officines, Messaoud Belambri, dans les colonnes de La Tribune. «Des opérateurs organisent des ruptures de stock en fonction de leurs intérêts. Près d’une centaine de médicaments essentiels et vitaux sont ainsi soumis à une insupportable spéculation de la part de certains grossistes. Des incohérences et des monopoles qui laminent le secteur de la santé aux dépens du malade», lit-on dans une enquête publiée dans le même journal.
M. Aït Amara
Demain : Khalifa Bank, l’arrosoir
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