Attentat de Boston : la presse occidentale a peur des mots
La nouvelle de la double explosion qui s’est produite dans la ville américaine de Boston a fait le tour du monde, mais tous les médias se refusaient à parler d’acte terroriste. La confusion était totale plusieurs minutes après les faits. Il apparaît clairement que des instructions ont été données pour que les agences de presse n’utilisent pas le mot «terrorisme» et fassent en sorte que l’information passe comme un quasi-fait divers, avant que les autorités ne décident du choix des qualificatifs à utiliser pour la circonstance. Aucune allusion à un quelconque attentat, donc. Les rédactions semblaient avoir été sommées de focaliser le récit sur la réaction des présents au marathon de Boston et des nombreux badauds qui assistaient à cet événement sportif d’envergure. Reuters parle de «deux explosions» qui «ont fait un nombre indéterminé de blessés lundi près de la ligne d'arrivée du marathon de Boston», en se référant à des témoins. L’agence britannique souligne que «la police a confirmé au moins une explosion». Puis, elle reprend les déclarations du porte-parole du département de la police locale : «La police, les pompiers et les ambulanciers sont sur place. Nous n'avons pas d'indication sur le nombre de personnes blessées.» Aucun mot sur la nature de l’explosion ou des explosions, sinon une insinuation : «La police new-yorkaise a annoncé le renforcement de la sécurité sur les lieux les plus réputés de Manhattan en réaction à l'incident. Paul Browne, commissaire adjoint du NYPD, a annoncé le redéploiement à travers la ville de véhicules spécialisés dans la lutte antiterroriste.» Le mot est lâché 300 km plus loin, à New York, mais en réaction à un «incident». Même son de cloche chez l’agence française AFP pour laquelle il ne sera question de «terrorisme» qu’après que «plusieurs sources au sein de la police» eurent affirmé que «deux bombes sont à l'origine des explosions». L’AFP se référant elle-même à sa rivale britannique Reuters et relayant une autre information donnée par l’agence américaine Associated Press (AP), selon laquelle «deux autres engins explosifs ont été trouvés à Boston et sont en cours de désamorçage». Le traitement de l’information sécuritaire n’est pas le même partout. Si les explosions de Boston avaient eu lieu en Algérie, en Syrie, en Irak ou ailleurs dans l’hémisphère sud, les médias auraient déduit d’eux-mêmes qu’il s’agirait forcément d’un acte terroriste et n’auraient pas hésité une seconde à titrer de la manière qui convient. Aux Etats-Unis et en Europe occidentale, la situation est différente. Les médias «démocratiques» de ces pays s’astreignent à une autocensure qui les oblige à attendre qu’une source officielle prononce le mot banni pour enfin le proclamer solennellement.
M. Aït Amara
Comment (14)