Dette faramineuse, crise sociale latente et corruption tentaculaire : la face cachée du Canada
«Globalement, la très bonne réputation dont le Canada jouit à l’échelle internationale est imméritée», cette appréciation paraît incroyable quand on connaît l’attrait que ce pays lointain exerce sur les Algériens depuis qu’ils ont découvert qu’il était la destination d’émigration privilégiée de notre élite. Mais on ne peut ne pas accorder de crédit à son auteur, Alain Deneault, philosophe et enseignant canadien mais aussi membre d’Attac-Quebec. A n’en pas douter, il est bien meilleur connaisseur que nous de son propre pays. Dans l’interview exclusive qu’il a accordée à Algeriepatriotique, il révèle certaines tares du Canada que nous, à partir d’Algérie, nous ne pouvions percevoir.
Un havre pour les criminels en cravate
Il décrit ainsi le Canada comme «un havre pour les criminels en cravate». Dans la dernière partie de l’interview consacrée à la corruption Alain Deneault est implacable : «Dans le secteur minier en particulier, mais aussi dans celui du pétrole, des travaux publics ou de la pharmaceutique, il a pu s’agir de cas graves de corruption, de partenariats commerciaux avec des belligérants, comme au Congo, de collusion avec des seigneurs de guerre, de pollution massive, d’atteinte à la santé publique, de violence envers des manifestants, d’évasion fiscale… La liste est très longue.» Sa conclusion est sans appel : «Lorsqu’on l’analyse, le dossier éthique, social et environnemental du Canada se révèle très sombre.»
La corruption
Quand Alain Deneault parle de «criminels en cravate», il pense à cette mafia des affaires au-dessus de tout soupçon du fait de ses apparences respectables mais aussi parce que dans leur monde dominé par la logique du profit, la corruption revêt un habillage de justifications qui la maquille complètement. SNC-Lavalin, en fait partie. Alain Deneault a parlé de cette société dans son interview : «Cette société est citée plus souvent qu’à son tour ces années-ci. L’an dernier, son ancien vice-président, Riadh Ben Aïssa, a été accusé par la justice suisse de malversations de l’ordre de 139 millions de dollars, concernant des transactions survenues en Afrique du Nord.» Un doute très fort pesait sur cette société canadienne depuis les années 80, notamment à propos du marché de la construction du Sanctuaire des martyrs et d’autres transactions également pour lesquelles elle a arrosé pas mal de décideurs, histoire de les récompenser pour l’avoir aidée à obtenir ces marchés. A cette époque déjà, le nom de SNC-Lavalin était sur toutes les langues et on chuchotait à Alger qu'il y aurait eu des pots-de-vin. Aujourd’hui, la société canadienne se rappelle à la mémoire des Algériens par son implication directe dans l’affaire Sonatrach 2. Le doute des années 80 était bien fondé.
Le mirage du social
Journaliste et analyste politique et économique, Robert Bibeau, canadien lui aussi, a pour sa part, mis à nu le mirage social que renvoie l’image du Canada aux Algériens, à travers une analyse de son système de retraites. «Alors que dans les années 1990 ces régimes accumulaient des surplus, l’accentuation de la crise économique a complètement changé la donne», écrit-il. Il fait observer qu’«un tiers des Canadiens n’ont aucune épargne-retraite personnelle et ils sont encore plus nombreux au Québec ; à la fin de 2011, 93 % des régimes de retraite à prestations déterminées étaient sous-capitalisés, selon le Bureau du surintendant des institutions financières du Canada ; ces problèmes touchent surtout le secteur privé, mais aussi le secteur public, principalement les municipalités (le quart du déficit global)». Ce n’est qu’une conséquence ultime de la crise générale du système d’économie politique décadent, explique-t-il. Il montre comment la solution que veulent appliquer ce qu’il appelle «les milliardaires», par la voix de leurs «experts» universitaires et des petits hommes d’affaires, précise-t-il, vise à faire payer «les ouvriers».
La vraie image du Canada
Maintenant, les informations qui nous parviennent du Canada ont trait aux manifestations violentes (pour cause d’augmentations des frais de scolarité), à la répression féroce, aux lois liberticides et, pour clore le tout, aux fusillades à l’aveuglette déclenchées par des personnes qualifiées de démentes. Assurément, le Canada n’est plus le havre de paix d’antan. Ce pays d’Amérique du Nord, décrit comme un éden et attirant des milliers d’immigrants chaque année, reçoit sa part de la crise économique et morale qui secoue le monde. Les Canadiens eux-mêmes sont de plus en plus sceptiques quant à l’avenir de leur pays, «endetté jusqu’au cou» (la dette du Canada atteindra cette année 627,4 milliards de dollars) comme le reste des pays du G8 dont il fait partie. On découvre que le Canada qui attire énormément d'immigrants venus surtout de pays du tiers-monde, beaucoup de Maghrébins et notamment d'Algériens est finalement et contrairement aux apparences, loin d'être un paradis.
Kamel Moulfi
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