Révision de la Constitution : si Ferhat Abbas était vivant, il aurait démissionné de l’Assemblée nationale
Algeriepatriotique publie dans son espace Documents une lettre écrite par Ferhat Abbas en août 1963, dans laquelle il explique les raisons de sa démission du poste de président de l’Assemblée constituante algérienne. Les premiers à qui nous conseillons vivement de la relire, on ne peut leur faire l’injure de n’en avoir jamais pris connaissance, ce sont les cinq experts désignés pour élaborer le projet de la nouvelle Constitution voulue par le chef de l’Etat avant la prochaine élection présidentielle. Entre août 1963 et aujourd’hui, plus de cinquante années sont passées, mais les problèmes d’ordre constitutionnel posés par Ferhat Abbas sont à peu près les mêmes que ceux que beaucoup d’Algériens soulèvent dans les discussions informelles et hors-classe politique, en marge des débats actuels sur la révision constitutionnelle. Les cinq experts y trouveront une invitation à revenir à la «case départ» définie par ce militant qui a été avant l’indépendance, le premier président algérien (à la tête du GPRA, Gouvernement provisoire de la République algérienne) puis après 1962, le premier président de son Assemblée nationale. Pour rappel, pour nos jeunes lecteurs, alors que c’était à l’Assemblée nationale d’élaborer un projet de Constitution, le président Ben Bella, par une initiative personnelle, disent les historiens, confia, au début de l’été 1963, cette tâche à un petit groupe de personnes choisies par lui à l'extérieur de l'Assemblée. Ce n’est pas dans les bureaux de ce qui deviendra le palais Zighout, où siégeait l’Assemblée, que fut donc mis au point la première Constitution de l’Algérie indépendante, mais dans une salle de cinéma d’Alger (appelée Atlas actuellement) où ont été réunis, pour l’occasion, des cadres du FLN. Le texte soumis à l’Assemblée fut voté à la majorité des voix. Ferhat Abbas a vite compris que le match était arrangé et le résultat connu d’avance – pour utiliser une métaphore appliquée partout où les règles du jeu sont faussées – et a décidé, dès cet instant, de ne pas en faire partie. Il a laissé cette lettre que l’on peut considérer comme un testament politique. Son contenu est fortement imprégné du contexte de l’époque, à peine un an après la proclamation de l’indépendance, et des lourdes interrogations sur l’avenir de l’Algérie. Sur les aspects concernant la gestion des affaires du pays, la démonstration est, malheureusement, toujours d’actualité. Particulièrement significatif : Ferhat Abbas entrevoyait «le rôle que l’exécutif entend réserver au législatif», ce rôle nous saute aux yeux maintenant, avec les grossiers traits d’une mauvaise caricature.
Kamel Moulfi
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