Nous avons détruit un système social séculaire
L’Algérie ne disparaîtra pas, c’est certain. Le pays se ressaisira, notre peuple se retrouvera. Hélas !, ça prendra du temps. Ceci pour notre moral. Mais où allons-nous ? Les gens qui nous dirigent, vieillis et dépassés, nous mènent tout droit contre d’énormes icebergs comme le Titanic que l’on disait insubmersible et qui a coulé par trop de confiance en son capitaine et son équipage. Tab jnanena avait crié Bouteflika le 8 mai 2012 à Sétif. Ce cri du Président peut s’interpréter de différentes façons comme par exemple «Nous sommes dépassés !» ou bien «Nous ne produisons plus !». A vous d’interpréter.
Laissons cela et voyons ce qui se passe.
1- Notre pétrole, qui aurait pu faire de l’Algérie le dragon de l’Afrique, est à l’origine de nos malheurs par le manque de bon sens de nos responsables. Il est entre les mains des compagnies pétrolières étrangères, donc des Etats occidentaux qui feront tout pour l’accaparer avec ou sans les Algériens. Mais surtout avec les Algériens recyclés chez nous et en Occident avec la double nationalité en prime, PHD et autre sorbonnerie. Déjà, dans le culturel, la capitale de l’Algérie c’est Paris, dans la friperie c’est Marseille. Visitez les librairies et comptez le nombre de livres sur les étals importés de France alors que les livres d’auteurs algériens sont pudiquement en aparté.
Dans un autre domaine, n’entendons-nous pas pérorer ces braves penseurs, politologues, consultants en tous genres et de tous pays qui dissèquent l’Algérie sur la table des aberrations ? Et cette race nouvelle de «chercheurs en histoire» – de vrais chercheurs d’os – qui parlent de tout, ne connaissant rien. Heureux, qu’il y ait chez nous des instituts où les productions scientifiques sont de qualité comme par exemple dans les recherches concernant les séismes et le solaire.
2- Dans un pays où les rumeurs et les humeurs ennuagent la gouvernance, point de visibilité. Les nouvelles classes d’arrivistes, incultes et carnivores, qui se sont enrichies par les magouilles, ne voudront jamais que le peuple s’émancipe, pour la simple raison qu’elles ont peur de rendre des comptes. Ces gens-là ont intérêt à ce que l’Algérie piétine car ils savent qu’on recensera, tôt ou tard, les usines, les châteaux, les domaines autogérés, les EAI et les EAC détournés comme au temps du décret Crémieux qui avait dépossédé les fellahs. Le temps de l’Histoire et des peuples est un temps long et tout ressortira ne serait-ce que dans la littérature. Notre ami Abderrahmane Mahmoudi n’a-t-il pas payé de sa vie par l’incarcération et la maladie les dénonciations sur L’Hebdo Libéré, les accaparateurs des terrains des domaines de l’Etat et les magistrats faussaires de l’affaire Mellouk ? C’était le début du journalisme d’investigation et toutes ces affaires réapparaîtront comme celles de Moumène Khalifa et de Chakib Khellil. Du boulot pour les journalistes, ensuite devant le prétoire pour tous ceux qui seront dénoncés.
3- Un inspecteur des affaires religieuses nous alerte en disant que «les sectes religieuses prolifèrent en Algérie».
Je reviens de Mascara, Saïda et Béchar, je vous assure que ce n’est pas la rue Michelet à Alger. Villes en décrépitude morale et culturelle, désolation et malvie. La religion est le seul refuge. Les moussalayate apparentes ou clandestines se multiplient et les femmes ont reculé vers le XIIIe siècle. Additionnez 1+2+3 et voilà les joyeusetés qui nous attendent dans un horizon proche. On verra alors s’accentuer le règne des incapables et des corrompus, tandis que, déjà, se multiplient mosquées, moussalayate et les lieux de prière clandestins grâce à des financements occultes sans oublier les inévitables prédicateurs et les associations caritatives des partis islamiques qui font dans l’embauche. J’ai visité quelques-unes où l’embrigadement et l’abêtissement des jeunes de 8 à 14 ans s’effectuent scientifiquement sous la conduite des partis islamiques. C’est inquiétant.
Nous aurons bientôt, paraît-il, une mosquée avec un minaret de 280 mètres de hauteur, ce qui permettra une visibilité meilleure du massacre des esprits et des… innocents.
Où allons-nous ? L’argent et les intérêts dominent dans une corruption que tout le monde constate à tel point que même les honnêtes fonctionnaires ne peuvent ni prendre des décisions ni dénoncer les écarts. Quant à ceux rejetés par la société, les pauvres et les faibles, ils auront toujours l’imam du vendredi pour leur remonter le moral. Les Algériens, nombreux, sont tourmentés, d’autres asservis dans le sens du pathos et les élus croient représenter le peuple car avec 300 000 DA/mois de salaire, on gèle sa consciences, on jette les principes dans la poubelle et si en plus on accède au bonheur d’avoir la double nationalité, dont nombreux s’en prévalent et s’en vantent, c’est le nirvana. La double nationalité est une sorte de carte de crédit qui donne du confort avec des diplômes gracieusement accordés, comme par exemple, les Insam/International et autres écoles privées qui formatent les esprits dans l’esprit d’une mondialisation orchestrée. Dans ces instituts internationaux agréés, le comble, c’est que d’un âne ils vous font un cheval, dit leur publicité. Avec bien sûr, l’espoir pour les candidats de la double nationalité. Tu bouffes ici et tu bouffes là-bas. A ce train, n’étant ni d’ici ni de là-bas, on arrivera à des situations où l’aveugle verra, le sourd entendra et le muet chantera. On ne saura plus qui est qui et je me demande pourquoi a-t-on fait Novembre 1954. On aurait pu attendre gentiment et demander l’assimilation et l’intégration à la France. Avec notre forte démographie, on serait maintenant majoritaire à l’Assemblée nationale française avec Louisa Hanoune en compagnie de Mélenchon, Hamas ligué avec le Front national, le FLN avec l’UMP, le FFS avec le PS, Zidane avec Raouraoua, et nos homosexuels se marieraient avec les leurs. C’est de mode.
Les seuls symboles de nos jeunes aujourd’hui – erramz – ce sont le foot, le raï et le chaâbi. Au diable l’Algérie, Qassaman et son drapeau et «Vive le président de… l’USMA qui a gagné la Coupe». Les nouveaux symboles s’imposeront à défaut d’autre chose tout en perdant la conscience de soi et de l’existence du peuple. L’école y est pour beaucoup et nos intellectuels ont leur part. C’est là l’un des symptômes le plus caractéristique de notre décadence intellectuelle et sociale. Echec total, ya oulidi ! Tes parents ont laissé faire. Samhouna, ya louled. Et dans notre bilan, le seul exploit, c’est de vous avoir trahis.
Dormez, braves gens, dormez, jusqu’au jour où l’iceberg défoncera votre lit et votre honneur !
Ce n’est pas en augmentant les salaires des députés, des élus et des cadres que l’on diminuera les tensions ou que l’on évitera les risques de collision en raison des collusions. L’inflation suivra ensuite par la nécessité d’augmenter les salaires des travailleurs qui tonnent et tonneront encore plus dans un avenir proche, par la création d’emplois non productifs et par la dépendance économique et alimentaire. Nous y sommes déjà, car nous sommes dépendants des TIC et du toc (friperie). L’entropie est là, ressentie, visible. Quel que soit le prochain président, avec la vitesse dont vont les choses et l’incapacité de gérer, d’autres icebergs nous attendent : la makhzenisation, les oukases, d’autres affaires scabreuses, les règlements de comptes, la multiplication des sectes religieuses et dans les… superettes rien ne sera de chez nous à l’exception de la poterie kabyle, de la galette du bord des autoroutes et on ne se souviendra plus comment sont faites les figues. Bientôt, avec nos 1 200 km de côtes, on ne mangera que du poisson en conserve. Quant à la merguez, elle nous viendra de Toulouse !
Quand commencerons-nous à réfléchir et à travailler ?
Réfléchir dans l’apaisement et le calme, travailler dans l’ordre et dans les normes.
Les seules bouées de sauvetage universellement reconnues : la vérité, la transparence et la justice effective dans une démocratie à construire où l’Algérien prendra conscience de sa citoyenneté et de sa responsabilité pour et par la participation.
Je suis inquiet, j’ai peur !
Abderrahmane Zakad, urbaniste, romancier
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