Erreur sur la cible
En rencontrant les représentants de la presse nationale pour évoquer les sujets de l’heure du secteur de l’énergie, Youcef Yousfi a adopté une posture qu’on ne lui connaissait pas jusqu’ici : celle d’un maître d’école qui admoneste vivement ses élèves pour de graves bêtises qu’ils auraient commises. Comme si le, ou plutôt les scandales de Sonatrach étaient l’œuvre de quelque journaliste à la recherche d’un hypothétique dossier sensationnel à se mettre sous la dent. La sentence est lâchée tel un couperet devant les yeux exorbités des journalistes : «Je ne permettrai pas qu'on déstabilise les entreprises nationales sous couvert de la dénonciation de la corruption.» Si on devait chercher des boucs-émissaires dans les affaires Sonatrach qui ont entaché, au-delà de l’image de l’entreprise elle-même, l’image de tout le pays à l’étranger, Yousfi, le justicier, les a trouvés. Prenant rapidement conscience qu’il était sans doute allé trop loin dans ce qui s’apparente à un réquisitoire, il tente tout de suite de tempérer en concédant : «Je fais appel à vous pour comprendre (la situation) et éviter l'amalgame.» Mais la machine était visiblement promise à une mise à sac d’une corporation journalistique qui, aux dires du ministre, a largement outrepassé ses prérogatives et son champ d’intervention. Dans un langage réglé comme du papier à musique, Yousfi a laissé entendre que les écrits de la presse nationale sur les affaires de corruption au sein de Sonatrach commençaient réellement à déstabiliser le groupe pétrolier et à affecter le moral de ses employés. Ce qui semble donc gêner, si l’on suit le raisonnement du ministre, ce ne sont pas les scandales de corruption qui rongent le groupe public, propriété du peuple algérien, mais leur médiatisation. Pour le premier responsable du secteur, donc, aborder ces affaires criminelles, dans lesquelles les personnes impliquées sont nommément citées, revient à jeter l’anathème et le discrédit sur tout le Groupe Sonatrach. Pour autant, Yousfi ne nie pas que «la corruption est un mal qu'il faut absolument combattre avec toute la rigueur et la détermination nécessaires, sans relâche et sans faiblesse». Mais comment le faire s’il n’y a pas dénonciation ? Dans les pays qui se respectent, l’Etat garantit même la protection à tous ceux qui participent à dénoncer ce fléau. Et la presse, de par sa raison d’être, se situe à l’avant-garde de ce combat. Le ministre doit le comprendre.
Amine Sadek
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