Lettre ouverte à Monsieur le président de la République
Succombant à une curieuse tendance à adresser des lettres ouvertes aux Grands du pays, je m’essaie modestement à cet exercice avec vous, Monsieur le président de la République algérienne démocratique et populaire. Dans les mois à venir, très nombreuses seront les voix à s’élever pour en appeler à votre sens du sacrifice et vous demander, en conséquence, de vous présenter, à leur grand et légitime bonheur, pour un quatrième mandat. Votre silence assourdissant les y encourage ! Tout comme celui de vos opposants virtuels, d’ailleurs !
Seulement voilà ! Votre sagesse, que je salue au passage, vous pousse à céder la présidence à un jeune de 65 ans. C’est cette même grande sagesse qui vous fera rentrer dans l’histoire qui témoignera que vos prédécesseurs, eux, ont plus ou moins démissionné avant même le terme de leur mandat. Ainsi, vous serez le seul Algérien à avoir occupé la magistrature suprême pendant quinze années pleines. Le bilan de vos mandats successifs est prestigieux. La pluviométrie s’est tenue à un excellent niveau. Les cours du baril du pétrole n’ont jamais été aussi haussiers ! Vous êtes béni des dieux (notamment ceux de l’Algérie). Sans compter avec cette grande liberté que vous avez consentie à la presse algérienne laquelle, en retour, n’a pas manqué de vous tenir informé de quelques scandales, ici et là, à la marge de vos préoccupations stratégiques et donc autrement plus sérieuses pour le pays. Se pose, dès lors, légitimement la question : pourquoi partir avec un si beau bilan et ne pas poursuivre cette tâche étant donné le succès qui la caractérise ? D’autant plus que votre action déterminante en faveur de la réconciliation nationale, matrice de la paix enfin retrouvée, reste toujours ignorée du jury du prix Nobel de Stockholm. Alors que votre homologue américain était récompensé, seulement quelques mois après son élection sans avoir mené une quelconque entreprise significative, autre que celle de réunir autour d’une bière, à la maison blanche, un policier blanc et un professeur noir. Vis-à-vis de vous, mon bilan est honteux. J’ai toujours attendu le second tour des élections présidentielles pour vous apporter humblement ma voix. Devancé par des millions d’Algériens beaucoup plus enthousiastes que votre serviteur, car un seul tour était à chaque fois très largement suffisant. Je n’ai donc point connu les joies des bousculades devant les urnes. Taraudé par tant de remords, il est temps pour moi de me rattraper en ajoutant, enfin, ma voix à ceux qui vous diront, avec une infinie gratitude : «Monsieur le Président, merci d’être passé nous voir», dès que vous renoncerez, en Grand Seigneur, à vous présenter pour un quatrième mandat.
Naoufel Brahimi El-Mili, citoyen (presque) normal
Lire l'interview que Naoufel Brahimi El-Mili, docteur en sciences politiques, a accordée à Algériepatriotique en novembre dernier
Comment (6)