Quand Kerry donne des leçons d’économie à l’Algérie
Surprenante déclaration que celle faite en Jordanie, où se tient le Forum économique mondial, par le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, à propos du modèle économique que «doivent» suivre les pays du Maghreb. A la limite de l’ingérence dans les affaires internes de pays souverains, la sortie du secrétaire d’Etat américain a intrigué plus d’un. Surtout par le ton et les mots choisis pour ce qui s’apparente à une «recommandation» de la première puissance mondiale. Liant le progrès économique aux perspectives de paix et de stabilité, John Kerry estime, en effet, qu'«il est temps de mettre en place un nouveau modèle de développement pour la région du Maghreb et du Sahel». Les Etats-Unis ont-ils des «projets» pour la région citée ? Et si c’est le cas, sur quel constat se basent-ils pour décréter qu’il serait temps pour ces pays d’aller vers un nouveau système économique ? Quels sont les contours d’un tel modèle ? Le secrétaire d’Etat américain ne va pas dans le détail et préfère rester dans le vague et les généralités, sans aucun doute pour ne pas s’exposer à une éventuelle réaction ferme de ces pays. Dans la posture d’un donneur de leçons, M. Kerry enveloppe sa «proposition» de «conseil» à la «recommandation» pour ne pas choquer ses vis-à-vis. Mais, faut-il le dire, le propos est grave. John Kerry suggère que dans ce «nouveau modèle de développement» à mettre en place, «le secteur privé est capable de promouvoir le changement et d'imposer des choix essentiels, en plus de l'impact des actions du gouvernement». Si on comprend bien le message américain, il reviendrait au secteur privé de dicter la démarche à suivre en matière de gestion économique du pays et des grandes options à suivre, et non plus à l’Etat. Mieux, ou plutôt pis pour les pays de la région, ce sont «les investissements directs étrangers» qui ont «la capacité de pouvoir changer le monde», si l’on reprend les propres propos de John Kerry. Les IDE constitueraient donc l’autre appui de la stratégie américaine pour imposer d’autres choix économiques dans la région. Cette «nouvelle approche au développement», visiblement conçue pour être inédite, pourrait, selon le chef de la diplomatie américaine, «devenir son propre exemple, son propre modèle pour le Sahel et le Maghreb, la Péninsule arabe et au-delà». Mais comment Washington va-t-il s’y prendre pour pouvoir aboutir à vendre sa formule magique censée assurer un développement économique durable à toute la région allant du Maghreb au Sahel ? John Kerry se contente de livrer les grandes lignes d’un projet dont on ne saisit pour le moment ni les tenants ni les aboutissants.
Amine Sadek
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