Omar Aït Mokhtar à Algeriepatriotique : «Nous avons demandé le gel des avoirs bancaires de Chakib Khelil»
Algeriepatriotique : Le Mouvement citoyen algérien de France et le Conseil national de l’immigration ont déposé une plainte le 15 mai 2013 contre Chakib Khelil pour blanchiment de capitaux. Peut-on savoir ce qui a motivé cette initiative ?
Algeriepatriotique : Le Mouvement citoyen algérien de France et le Conseil national de l’immigration ont déposé une plainte le 15 mai 2013 contre Chakib Khelil pour blanchiment de capitaux. Peut-on savoir ce qui a motivé cette initiative ?
Omar Aït Mokhtar : Qui d’autre le fera à notre place ? Les affaires algériennes doivent se régler entre Algériens. Ce n’est pas aux voisins de nettoyer devant nos portes. Donc, là, nous ne faisons que notre devoir et rien d’autre. Malheureusement, c’est la justice italienne qui révèle ce scandale et pas la nôtre. Le MCAF s’est constitué partie civile à Milan et nous avons déposé une plainte à Paris pour blanchiment. Que les choses soient claires : à Paris, nous poursuivons les personnes citées à Milan pour les biens mal acquis – biens immobiliers et comptes bancaires bien garnis. Concernant les personnes physiques, surtout celles qui ont occupé des responsabilités importantes au sein de l’Etat, comme Chakib Khelil, c’est à la justice algérienne de s’en occuper ; cela relève de notre souveraineté. Vous savez que nos compatriotes installés à l’étranger subissent une sorte d’humiliation quand les médias évoquent tous ces scandales de corruption, surtout de la part de nos voisins marocains. Mais, aujourd’hui, leur regard a changé car eux ne pourront jamais imaginer agir de la sorte.
Depuis le dépôt de la plainte vous avez été entendu par les gendarmes français chargés de l’enquête. Quelles sont les explications que vous leur avez fournies ?
Vous savez, la justice est comme une machine. C’est nous qui avons sollicité le procureur de la République à Paris pour vérifier la provenance des fonds de ce clan cité à Milan (Chakib Khelil, Bedjaoui, etc.) et nous utilisons une loi simple et connue en France, celle contre le blanchiment. La section financière dépendant du procureur de Paris enquête, les gendarmes de la finance savent tout et nous menons aussi nos propres investigations. Toutefois, le procès de Milan conditionnera celui de Paris. Pour l’instant, nous avons demandé le gel des avoirs bancaires et la mise des biens immobiliers dans l’impossibilité de transaction. Le PDG d’Eni a tout avoué, avec précision. Il n’y a pas de souci à se faire, la vérité éclatera et nous allons récupérer les biens volés.
La plainte a-t-elle concerné uniquement Chakib Khelil ou est-elle étendue à d’autres parties ?
Encore une fois – et j’insiste sur ce point au risque de me répéter : partie civile à Milan, plainte à Paris pour blanchiment pour ce qui concerne les personnes citées dans le scandale de Milan. Le reste, c’est à la justice algérienne de faire son travail.
Vous avez également intenté un procès à l’avocat du consulat d’Algérie en France et un journal arabophone algérien. Peut-on savoir pourquoi ?
Je vous remercie infiniment de me poser cette question. J’ai vraiment besoin de mettre les points sur les «i». Beaucoup de nos compatriotes nous appellent parfois pour nous demander de l’aide ou pour se plaindre. Cela va du prix du billet d’avion au tracas au niveau des consulats. Un exemple : savez-vous qu’un Algérien installé à l’étranger peut effectuer un déménagement une fois tous les 5 ans avec sa carte consulaire, tout en étant exonéré des droits de douane à hauteur de 20 000 euros ? Une personne nous a appelés pour nous faire part de sa mésaventure survenue au consulat d’Algérie à Paris. Cette personne est allée renouveler ses documents et on lui a signifié qu’elle ne pouvait pas renouveler cette fameuse carte parce qu’elle a effectué un déménagement, alors que c’est faux. Avec la corruption généralisée de cette dernière décennie, il n’y a rien d’étonnant à cela. Surtout que ce n’est pas la première fois qu’on parle de ce scandale dans la presse. Le MCAF a rendu public un communiqué dans lequel nous avons appelé la communauté algérienne à être vigilante. Nous avons dit clairement qu’il se pouvait que des déménagements aient été effectués clandestinement au nom de tierces personnes et à leur insu. Le consul d’Algérie à Paris m’a attaqué en justice pour diffamation. Bref, un consul qui fait entrer un huissier étranger (français) dans cet espace diplomatique. Le fait que cet avocat soit le conseil exclusif de notre ambassade, de notre consulat, de Cheb Mami, d’Enrico Macias et j’en passe, est à mes yeux une forme de corruption, quand on connaît le nombre d’avocats algériens inscrits au barreau de Paris et en France en général. Le comble, c’est qu’il a publié une interview dans un journal arabophone où il s’est livré à une sorte de fatwa contre ma personne. Il a fait de moi un traître à la nation. Le titre était : «Omar Aït Mokhtar porte atteinte à l’Algérie». Malgré mon insistance à user de mon droit de réponse en faxant ma réponse dans les délais – moins de 10 jours –, le journal qui a publié l’interview a fait la sourde oreille. Alors, j’ai déposé une plainte contre cet avocat au bâtonnat des Hauts-de-Seine (Nanterre), pour menaces – j’en reçois depuis cette publication. J’ai aussi engagé un avocat pour faire de même contre le quotidien en question en Algérie. Voyez-vous, c’est l’avocat de l’ambassade, du consul d’Algérie à Paris, de Cheb Mami et d’Enrico Macias qui distribue les bons et les mauvais points. C’est lui qui décide qui est bon et qui est mauvais. Et dès qu’on s’attaque aux injustices, à la médiocrité, on lâche la meute. Je ne veux salir personne, par voie de conséquence, je refuse cette manière de salir les hommes propres.
Vous avez révélé, et cela a été confirmé, que le consulat d’Algérie à Paris a versé la coquette somme de 200 000 euros, argent du contribuable, pour faire libérer le chanteur Mohamed Khelifati, dit Cheb Mami. Qui en a donné l’ordre ? Cette somme a-t-elle été remboursée ?
Vous avez tout compris. Voilà pourquoi cet avocat a voulu faire de moi un mauvais Algérien. Il se croit tout permis. Franchement, je suis sidéré qu’un consul attaque un compatriote en justice à l’étranger, et quand j’ai vu cet avocat tristement connu, j’avais une envie folle de lui dire les quatre vérités. La question qui brûle les lèvres de tous les Algériens, c’est justement cette affaire des 200 000 euros que notre cher ambassadeur lui a confié dans le procès de Cheb Mami. Je vous donne le lien d’une vidéo, je vous prie de la mettre à la portée de tous les Algériens. C’est scandaleux. Cette somme doit être remboursée par Cheb Mami ou l’avocat, M. Lasbeur, ou alors Son Excellence l’ambassadeur, M. Sbih. Il s’agit bien de l’argent du peuple algérien.
Le MCAF fait montre d’une grande détermination à défendre les intérêts de l’Algérie dans l’Hexagone. D’où tirez-vous la force pour rester mobilisés dans ce combat ?
C’est un état d’esprit. Je crois fort en nos capacités à relever tous les défis. Je suis convaincu que l’Algérie se surpassera. Nous avons les moyens pour réussir. La première richesse d’un pays est son peuple. Malgré les problèmes de gestion et d’organisation, nous avons à chaque fois étonné le monde, la toute dernière, c’est la manière dont notre armée a géré l’attaque terroriste de Tiguentourine, à In Amenas. J’ai pleuré. J’avais une sensation que je ne peux décrire. Si notre pays est jalousé, c’est parce qu’il est beau, sauf que nous ne nous en rendons pas compte. Nous sommes à un virage, nous devons bien le négocier. Je souhaite qu’il y ait des élections présidentielles avant la fin de l’année pour élire un homme qui donnera un nouvel élan à notre pays, puis qu’il y ait des élections générales dans le respect et le calme. Nous avons plus que besoin de cette légitimité indispensable. Toutefois, je souhaite un prompt rétablissement à M. Abdelaziz Bouteflika qui doit prendre sa retraite et se reposer. Il a fait ce qu’il a pu. Ce n’est pas la peine de s’attarder sur le passé ; parlons de l’avenir. Les hommes passent, l’Algérie restera. En Algérie, il devra y avoir désormais une seule catégorie d’Algériens, tous égaux avec les mêmes devoirs et les mêmes droits.
Y a-t-il une forte mobilisation de notre communauté établie à l'étranger autour de votre action ?
Vous savez, j’ai l’impression qu’on est plus au courant quand on se trouve à l’étranger. Cela se remarque à chaque événement heureux dans notre pays. Pendant la décennie noire, la communauté algérienne, comme pendant la guerre de Libération, était d’un soutien extraordinaire. Ici à Paris, autour de journalistes, je me rappelle qu’il y avait des manifestations de soutien, des galas… Et pendant le match contre l’Egypte pour la qualification en Coupe du monde également. Aujourd’hui, concernant cette affaire de corruption Eni-Sonatrach, je suis fier de vous annoncer que des intellectuels, des artistes, etc., me contactent pour en savoir un peu plus et, surtout, me conseiller et me mettre en garde contre d’éventuelles manipulations – cette fameuse main de l’étranger. A chaque rencontre, je déduis une chose : l’amour unanime qui est porté à notre pays. Nous exprimons une réelle envie de nous rassembler et de réussir ce passage vers l’après-Bouteflika dans l’humilité. C’est dans l’intérêt de tous.
Interview réalisée par Amine Sadek
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