Maladie du Président : l’armée n’interviendra pas
L’appel du moudjahid Mohamed Mechati ne sera pas entendu par l’institution militaire. L’ancien membre des 22, qui vient de s’adresser «aux décideurs de ce pays» qu’il ne cite pas et dont il «entend parler comme tout le monde» car, a-t-il déclaré à notre confrère Le Soir d’Algérie, il ne les connaît pas personnellement et il ne les a «jamais fréquentés», leur demande d’intervenir pour pallier le vide laissé par l’absence du président Bouteflika, dont «la pratique despotique, autoritaire et dictatoriale» du pouvoir a «affecté l’Etat tout entier». Si le constat de Mohamed Mechati est au demeurant juste, son initiative qui s’ajoute à la panique générale – mais néanmoins camouflée – qui s’est emparée des sphères du pouvoir depuis l’hospitalisation du Président et au hourvari médiatique suscité par cette longue éclipse, est un coup d’épée dans l’eau. En effet, l’institution militaire, aux destinées de laquelle président trois hauts responsables de l’ancienne génération, a la légalité chevillée au corps. Déjà en janvier 1992, le ministre délégué à la Défense, le chef d’état-major de l’ANP et le patron du DRS actuels avaient participé au sauvetage de la République des mains des intégristes du FIS qui voulaient lui substituer une théocratie rattachée à l’internationale salafiste. L’armée, suite à la démission de Chadli qui face au péril du moment avait choisi de se retirer, avait pris le parti d’appeler à la rescousse un civil, le défunt Mohamed Boudiaf, pour achever le mandat laissé vacant par le président démissionnaire, dans le cadre d’une direction collégiale, le Haut Comité d’Etat (HCE), qui comptait cinq membres. Cette intervention directe de l’institution dans la gestion politique du pays – le HCE comptait un militaire en son sein –, cessa dès que Liamine Zeroual fut élu président en 1995. Lui-même issu de l’ANP, il n’en avait pas moins démissionné suite à un désaccord avec Chadli sur la restructuration de l’armée. Elu à la tête du pays, Zeroual choisit, à son tour, de déserter El-Mouradia suite à une série de scandales mettant en cause son plus proche conseiller politique qui essuyait un feu nourri de la presse. L’avènement de Bouteflika scellera la séparation des prérogatives entre le Président et l’institution militaire. Le chef d’Etat fraîchement élu avait, dès l’entame de sa première mandature, clairement expliqué qu’il ne voulait pas être un «trois quarts d’un président». L’opinion publique avait saisi cette annonce comme un message à l’armée, donc aux «généraux», dont il aurait voulu «se défaire». Mais ses décisions postérieures allaient démontrer que Bouteflika avait été mal compris. Après le départ du général Mohamed Lamari, alors chef d’état-major, à la retraite, il le fera remplacer par un ancien de l’ALN, au moment où les observateurs s’attendaient à un rajeunissement de la hiérarchie. La désignation d’Abdelmalek Guenaïzia au poste de ministre délégué à la Défense nationale achèvera de confirmer que le président de la République n’avait pas l’intention de couper la branche sur laquelle il était assis et qu’il était pleinement conscient que le pays ne pouvait pas se permettre de se passer de l’expérience des «anciens», dans un contexte sécuritaire qui n’était pas encore tout à fait stabilisé. Tout en faisant voter par référendum une loi sur la réconciliation nationale, Bouteflika maintient le cap, poursuivant la lutte antiterroriste, modernisant l’armée et s’appuyant sur des services de renseignements à l’efficacité redoutable. Depuis 1995 à ce jour, l’armée s’est abstenue d’intervenir directement dans la prise de décision politique. Les bruits qui ont longtemps couru sur des différends – vrais ou faux – récurrents entre le Président et les «généraux» sont la preuve que les responsables militaires obéissent aux ordres du chef. Même malade et absent, ils gardent une position droite. Bref, tant qu’il n’y aura pas de menace sur la République, l’armée ne se distraira pas de sa mission actuelle ardue, celle de surveiller d’immenses frontières poreuses et explosives.
M. Aït Amara
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