L’ANP comme alibi
Deux acteurs de la vie politique nationale, Ahmed Benbitour et Mohamed Mechati, ont, chacun à sa façon, le premier implicitement et le second plus directement, tenté, ces jours-ci, d’impliquer l’institution militaire dans des affaires politiciennes par définition malsaines, surtout dans le contexte actuel particulièrement complexe que traverse notre pays. Ahmed Benbitour, dont quasiment toute la carrière s’est déroulée sans encombre dans le sérail ou à sa périphérie, jusqu’à occuper le poste de chef de gouvernement, avant d’être poussé dans l’opposition, vient de déclarer qu'il n'était pas le candidat de l'armée pour les élections présidentielles qui se dérouleront en avril 2014. Quant à Mohamed Mechati, un historique de la Révolution, membre du fameux comité des 22 qui ont déclenché la lutte armée de libération, il a appelé carrément l’armée à «agir vite». L’un et l’autre ont sans doute pensé fédérer des sympathisants autour de leur mouvement en focalisant sur l'armée. Cette manœuvre insidieuse vise, en fait, à faire ancrer l’idée que le prochain candidat sera forcément choisi par l'armée, puisque le premier, Ahmed Benbitour, dit qu'il n'est pas son candidat – donc d'autres si –, et le second, qu'elle doit intervenir – donc qu'elle joue toujours un rôle politique prépondérant. Il est bon, ici, de souligner que l'armée de 1992 dirigée par un ministre de la Défense et qui a sauvé la République n'est pas celle de 2013, où le ministre de la Défense est le Président lui-même. Si quelqu’un continuait à en douter, il est invité à lire ou relire le dernier communiqué du ministère de la Défense nationale qui, en répondant à Mohamed Mechati, s’adresse aussi à Ahmed Benbitour et prend l’opinion publique à témoin. Le message de l’institution militaire est clair. D’abord un rappel : l’Armée nationale populaire est totalement investie dans sa mission permanente de sauvegarde de l’indépendance et de défense de la souveraineté nationale. On ne voit ici aucune allusion à une activité politique interne ; c’est l’affaire des partis politiques et des autres institutions civiles. Mais surtout la précision : «L’Armée nationale populaire demeure pleinement dévouée à assumer sa noble mission dans le respect rigoureux de la Constitution et des textes de loi régissant le fonctionnement des institutions de l’Etat algérien». Faute de pouvoir se servir de l’ANP comme courte échelle pour escalader la forteresse d’El-Mouradia, certains veulent l’utiliser comme alibi. En 2014, les candidats devront être autopropulsés et non plus guidés à distance.
Kamel Moulfi
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